Pardon Khadija… Elles s’appellent Khadija, Amina, Aicha, Rachida, Bouchra, Hanane…. Elles sont « Femmes », justement « les victimes de leur condition » de femmes face au machisme de toute une société.
Elles s’appellent « les êtres mineures » marquées au fer rouge pour leur appartenance à un genre humain dit « incomplet ». Elles, les femmes, ont commis un grand tort, celui de naître dans une société qui les considère aux meilleurs des cas, la moitié des hommes.
Pardon Mesdames !!
Puisqu’une femme chez nous est malheureusement toujours considérée comme le symbole du mal. Elle est le représentant de Satan, la fille du diable, la pécheresse qui attire le « pauvre » homme tranquille dans son traquenard. Il faut alors la punir pour la simple raison que c’est une femme, car dans nos esprits étriqués, c’est ce qu’il y a pas plus normal que sévir contre les femmes.
Dans notre schizophrénie collective, nous sommes entrain de parler de toute une société sans même exclure ceux ayant fréquenté les bancs universitaires et qui sont aujourd’hui des cadres moyens ou supérieurs, des universitaires, des banquiers, des journalistes… Nous considérons la femme (en dehors de nos mères considérées comme saintes, par extension nos filles et dans de rares cas nos épouses), que toutes les autres femmes méritent ce qui leur arrive. Et puis pourquoi se gêner devant une femme ? Tenez, si, par malheur, elle passe devant nous, on peut la dévisager, faire tout un conte sur son postérieur, sa poitrine, ses cheveux, ses cuisses, ses bras, son visage et puis l’aborder dans la rue, car c’est juste une femme et c’est notre droit absolu, nous les hommes qui pensons que la gente féminine est à notre solde. Nous disposons de ces corps sur lesquelles nous avons un droit de vie ou de mort. Et bien sur si une femme sort dans la rue dans une tenue que nous considérons osée selon notre esprit obstrué, elle n’est d’emblée qu’une péripatéticienne selon notre langage soigné. Pis, elle est dans le devoir de parler à celui qui l’aborde, sinon c’est notre dictionnaire des insultes « prêt-à- porter » qui va s’abattre crescendo contre cette fille de mauvaises mœurs.
Pardon Mesdames !!
Nous nous perfectionnons dans notre psychopathie collective à vous faire subir tous nos complexes et nos vices cachés. Normal, vous êtes le « mal », pourquoi s’en priver dès lors ? Malheur à vous si vous êtes une femme divorcée ou bien célibataire qui vit toute seule. Et si vous commettez l’erreur de revenir tard le soir du travail, car vous bossez comme toute honnête personne, tous les débiles du quartier qui pointent toute la journée à « Ras Derb » parce qu’ils n’ont rien à faire dans leur vie, vous considèrent tout simplement comme une garce !!
Oui, Madame, nous sommes une population malade. Nous apprenons cette ségrégation dès notre plus jeune âge par les femmes mêmes !! Non seulement à l’extérieur mais aussi à la maison par nos douces mères et gentilles tantes et même par nos grandes sœurs qui subissent le même sort que toutes les femmes et le perpétuent inconsciemment. Le petit garçon est élevé comme le maître de la maison tandis que sa sœur est sa boniche. C’est juste une fille qui va devenir une femme un de ses jours à attendre un « Oueld Nass Li ghadi Yastrha » un enfant de bonne famille qui va la protéger. Même si la jeune femme poursuit des études universitaires poussées et devient indépendante et autonome financièrement de sa famille et de toute personne étrangère, elle reste pour sa petite famille et toute la société, une éternelle mineure sous tutelle.
Pardon Mesdames !!
Nous sommes une société patriarcale qui ne reconnait pas la femme comme un être entier, libre de disposer de son esprit et de son corps comme elle l’entend !
Oui Mesdames, même chez les progressistes … ces gens qui s’habillent de la modernité, il y a un grand nombre d’illuminés qui considère la femme comme un simple objet sexuel. Ces opportunistes qui se cachent derrière des discours obséquieux juste pour se rapprocher des femmes et en faire des proies faciles. Le féminisme qui ne qui ne dépasse guère ces salons feutrés ! Dure est votre existence dans ce pays.
Pardon Khadija !!
Je devais parler que de ton cas mais en ressassant la condition de la femme dans notre société, je t’ai laissé pour la fin non par oubli ni par omission, mais c’est toujours douloureux de constater notre incohérence et tout le mal que nous portons à toutes les femmes.
Oui, Khadija, ton cas est différent, il est affligeant, il est tragique, il est démoralisant, il est révoltant, que tous les adjectifs ne sauraient le décrire !! Mais, nous sommes juste des lâches, des paroliers. Tu n’es malheureusement ni la première encore moins la dernière. Il y aura encore d’autres victimes de ces rapaces qui se nourrissent non seulement de la chair humaine mais surtout de la souffrance humaine sans qu’ils soient inquiétés d’aller à la potence. Des peines disproportionnées par rapport aux crimes commis contre toi et toutes les femmes comme toi.
Oui, Khadija, pendant deux mois, 60 jours, 1.440 heures, 86.400 minutes et 5.184.000 secondes que des enfoirés t’ont séquestrée, torturée, violée, abusé de ton petit corps contre ton gré. Pendant 5 millions de secondes que tu as pleuré, subi, crié, et puis tu t’étais tue devant toutes les atrocités inimaginables que ces barbares t’ont fait endurer.
Tu étais fatiguée Khadija.
Tu as choisi le silence en regardant ces sauvages tatouer ton corps et vider le complexe de toute une société en toi.
Pardon Khadija !!;
Nous sommes tous coupables de notre laxisme ambiant !! Et ce n’est pas près de changer.
Par Ali Lahrichi, Docteur en Droit Public