Le groupe Banque Centrale Populaire (BCP) continue sa politique de développement à l’international, particulièrement en Afrique.
En s’implantant à Maurice, le groupe vise à capter une partie des flux en provenance de l’Asie, et à saisir les opportunités qui transitent par ce pays.
Eclairage de Kamal Mokdad, Directeur général du groupe Banque Centrale Populaire (BCP) en charge de l’international, sur l’ambition du Groupe à devenir également un pont de connexion entre les deux rives de l’Afrique (anglophone et francophone).
EcoActu.ma : Vous avez mené récemment d’importantes opérations en Afrique dont la dernière est l’acquisition de la Banque des Mascareignes. Un premier commentaire sur les dernières acquisitions en Afrique et dans quel cadre s’inscrivent-elles ?
Kamal Mokdad : Effectivement, le groupe BCP affiche une ambition continentale claire, incarnée par la volonté de construire le premier groupe bancaire panafricain, solidaire et à fort ancrage local. Cette vision nous permet de nous rapprocher davantage des réalités des marchés locaux, tout en continuant à donner du sens à notre action en l’inscrivant dans la continuité de nos racines identitaires au Maroc. Cela passe, sur le terrain, par le lancement d’actions structurantes, inscrites sur le long terme, comme le renforcement de l’inclusion sociale financière des populations, le financement de grands projets d’infrastructure, ainsi que le soutien à des initiatives locales structurantes comme la digitalisation des chaînes de valeurs agricoles.
Dans le cadre de cette vision du groupe, nous avons apprécié un certain nombre d’opportunités de croissance externe. Et il se trouve que notre actionnaire et partenaire, le groupe BPCE, avait à son tour exprimé son intention de se concentrer sur ses marchés domestiques et de rechercher un nouveau partenaire stratégique pour ses banques africaines. Une opportunité que nous avons naturellement saisie au niveau de la BCP, en soumissionnant au processus de vente lancé par le groupe BPCE et piloté par une banque d’affaires internationale. L’offre ferme du groupe BCP a été retenue au terme de ce processus et nous sommes rentrés en négociations exclusives pour la reprise de 4 banques en Afrique, à savoir en Tunisie, au Cameroun, en République du Congo et à Madagascar. La finalisation de l’acquisition de ces 4 banques reste, bien entendu, soumise aux différentes autorisations réglementaires dans les différents pays.
En amont de cette opération, nous avons entamé des discussions avec le groupe BPCE qui nous ont permis d’acquérir la Banque des Mascareignes à Maurice. Et donc, depuis le mardi 16 octobre 2018 – date de finalisation de cette opération –, la BCP est l’unique actionnaire de la Banque des Mascareignes, après avoir obtenu les approbations des Banques Centrales au Maroc, à Maurice et à Madagascar.
Pourquoi donc le choix de Maurice ?
Tout d’abord, Maurice est une plateforme incontournable pour les investissements entre l’Asie et l’Afrique. Il y a des corridors importants qui se sont développés aujourd’hui comme Inde-Maurice et Chine-Maurice. Cette acquisition nous permet ainsi de capter une partie des flux en provenance de l’Asie et de saisir les opportunités de financement en Afrique qui transitent par ce pays.
Deuxième raison, Maurice est un centre financier incontournable qui a construit son business model sur la base d’un certain nombre d’atouts, notamment la qualité des infrastructures, l’environnement des affaires, la qualité du capital humain et la solidité de son système financier. Preuve en est, plusieurs acteurs mondiaux se sont positionnés dans ce hub financier.
Troisième raison et pas des moindres : grâce à cette acquisition, la BCP est aujourd’hui l’unique groupe bancaire d’Afrique du nord, de l’ouest et du centre à être présent à Maurice. Cela nous permet de jouer un rôle clé dans l’ouverture croissante de Maurice sur les autres pays d’Afrique et d’être un pont de connexion entre les parties anglophone et francophone du continent. Nous pourrons ainsi œuvrer pour faciliter la mise en relation des investisseurs établis en Afrique du nord, du centre et de l’ouest avec leurs homologues mauriciens ou établis à Maurice, et inversement.
Dernier point, notre présence à Maurice nous permet à court terme de financer de grands projets dans la région anglophone de l’Afrique, voire même en Asie, sans pour autant avoir une présence physique dans ces pays, tout en tirant profit des synergies possibles avec notre banque offshore CIB Offshore.
Le Groupe BCP est un acteur majeur dans la coopération Maroc-Afrique comme en atteste votre présence dans les Tournées Royales et qui se soldent par des conventions. Où en est l’état d’avancement des conventions signées ?
Le groupe BCP a une stratégie africaine assumée. De ce fait, nous sommes naturellement un acteur important de la déclinaison de la politique africaine du Maroc, à travers par exemple le financement de certains projets qui découlent des conventions signées.
Comme vous l’avez précisé, plusieurs accords ont été conclus dans le cadre des différentes tournées royales, et pour certains d’entre eux, notre groupe est partie-prenante. Nous faisons un suivi rapproché de ces accords et nous sommes actuellement en phase avec les engagements que nous avons pris. Le lancement récent de l’activité de notre filiale de microfinance au Sénégal, AMIFA Sénégal, permet d’illustrer ce point.
Je rappelle à ce titre que nos activités de microfinance en Afrique subsaharienne sont portées par la holding Atlantic Microfinance For Africa (AMIFA), filiale à 100% de la BCP, et qui vise à favoriser la création de richesses à travers le financement des activités génératrices de revenus, le soutien et l’accompagnement des micro-entrepreneurs en facilitant leur passage progressif de l’informel vers le secteur organisé de l’économie, ainsi que la participation à l’éducation financière et à la promotion de la bonne gestion des micro-entrepreneurs et des TPE.
AMIFA Sénégal est une filiale commune entre le groupe BCP (60%) et le Crédit Agricole du Maroc (40%). Sa création est le fruit du protocole d’accord signé en octobre 2016 entre le Groupe Banque Centrale Populaire et le Groupe Crédit Agricole du Maroc, ainsi que de la convention de partenariat signée en novembre 2016 entre les gouvernements du Royaume du Maroc et du Sénégal, le Groupe Banque Central Populaire, le Groupe Crédit Agricole du Maroc et la Fondation Mohammed VI pour le Développement Durable, visant à mettre en place un dispositif de financement de la petite agriculture et du monde rural au Sénégal.
Quelle est la part de l’Afrique dans l’activité du Groupe et à quelle hauteur intervient-elle dans les résultats du Groupe ?
A fin 2017, l’international a contribué à hauteur de 18% dans notre PNB consolidé. Notre ambition est de porter cette contribution à 30% à l’horizon 2020. Pour atteindre cet objectif, nous travaillons à la fois sur le développement organique de nos activités mais également sur l’identification d’opérations de croissance externe, porteuses de valeur pour notre groupe. Et, justement, les annonces récentes de l’acquisition des filiales africaines du groupe BPCE s’inscrivent dans cette dynamique.