Dans la vague des amnisties, les entreprises peuvent procéder à la régularisation spontanée de leurs déclarations fiscales sans frais et avec facilités de paiement. La profession comptable est de la partie pour assurer la réussite de l’opération.
Dans le cadre du PLF 2020, le Seigneur chevaleresque Benchaâboun tient à répandre sa générosité pour couvrir les entreprises. Ces dernières sont en mesure de revenir, sans frais, et avec facilité de paiement, sur leurs déclarations initiales au titre des exercices 2016, 2017 et 2018. Le pack proposé comprend également la renonciation de l’Etat à son droit de reprise. Pour intégrer le club, jusqu’à présent très restreint, des redevables à casier fiscal vierge, le parrainage d’un professionnel de la comptabilité est incontournable. Le parrain doit faire partie de ceux qui professent sous l’égide de l’Ordre ou de ceux qui exercent sous la houlette de l’organisation des comptables agrées.
DGI et profession comptable : pour le meilleur et pour le pur
Entre la Direction Générale des Impôts (DGI) et la profession comptable, c’est plus de la complicité que de l’amour. En effet, au contraire de l’amour, qui peut naître instantanément, la complicité prend du temps pour mûrir. Pour ce genre d’opérations, la DGI et les experts ne sont pas à leur premier coup d’essai. La réussite et l’accélération des opérations de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée témoignent longuement sur l’efficacité de cette collaboration.
L’implication de la profession comptable dans la relation DGI-Contribuable n’est pas sans raison. En effet, les pouvoirs publics visent la rétrocession du risque encouru dans cette opération et souscrivent ainsi une police d’assurance pour se prémunir contre une sinistralité conséquente et démesurée de ce projet de réhabilitation. La profession comptable, armée d’un œil de maître, risque de ne pas s’emballer facilement. Il faut reconnaître qu’on n’assure pas une maison qui brûle. Elle devra donc, avant l’émission de la fameuse note, examiner de fond en comble les comptes des prétendants à la conciliation avec l’impôt. la mission ne sera pas sans doute aisée et exigera des prises de risques. La profession comptable sera obligée de les prendre parce que lorsqu’on ne prend pas de risque, on risque encore davantage. Comme disait voltaire : « chaque profession a un vice et un danger qui lui sont attachés ».
Faire cause commune
Les pouvoirs publics qui exigeaient, lors des expériences précédentes, des experts-comptables la production d’une attestation de certification, se contentent dans le PLF 2020 d’une simple note. Cette option, qui permet de déstresser les professionnels et les libérer de l’angoisse vise également à vaincre le mal à la racine. Lesdits pouvoirs publics ne toléreront pas que la fête de conciliation soit altérée par des combats fratricides : jamais l’Ordre ne cautionnera l’émission des attestations sur les comptes par l’Organisation.
Et la libre concurrence
Si le législateur s’est conformé à la réglementation en matière d’émission des attestations sur les comptes, il a enfreint la réglementation en matière de liberté des prix et de la concurrence en segmentant le marché selon le chiffre d’affaires. Ainsi, les contribuables dont le chiffre d’affaires déclaré au titre du dernier exercice, est égal ou supérieur à vingt millions (20.000.000) de dirhams hors taxe sur la valeur ajoutée, doivent accompagner la déclaration rectificative, d’une note explicative établie par un expert-comptable étalant les rectifications apportées à leur comptabilité. Les contribuables dont le chiffre d’affaires déclaré au titre du dernier exercice, est inférieur à vingt millions (20.000.000) de dirhams hors taxe sur la valeur ajoutée, doivent accompagner la déclaration rectificative, d’une note explicative établie par un comptable agrée traitant des rectifications apportées à leur comptabilité. La segmentation proposée dans le PLF 2020 est prohibé dans la mesure ou elle permettra d’empêcher, de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence sur le marché (article 6). En outre, elle mettra également les professionnels dans des situations de refus de satisfaire aux demandes de prestations de services (articles 7 et 61). Le PLF semble avoir besoin d’une cure de conformité.
Pas que la fiscalité
Sur un autre chapitre, la régularisation des déclarations fiscales des exercices 2016, 2017 et 2018 impactera de façon conséquente les décisions prises par la collectivité des associés sous l’empire des comptes sujets à rectification. Quelle est donc la valeur juridique des différents actes accomplis par ces entreprises à la lumière des nouvelles donnes. En effet, plusieurs événements ont dû se produire depuis 2016 et le voyage dans le temps n’est pas une mince affaire. Si la régularisation fiscale ne présente pas d’aléas sur le plan pécuniaire, ses implications sur la vie juridique des entreprises ne peuvent être consommées en deux temps trois mouvements.
Maintenant que la munition des amnisties, terme réfuté par notre ministre des finances, que les choses soient claires, à partir de 2020, nous vivrons sous prince ennemi de la fraude… du moins fiscale.