Le Patronat défend bec et ongles ses propositions pour le PLF 2021. Elles peuvent constituer un défi pour le budget de l’Etat, mais la crise nous accule à rompre avec le dogme de la préservation des équilibres macroéconomiques qui, sous d’autres cieux, s’est éclipsé en faveur d’autres priorités.
C’est aujourd’hui le 28 septembre que la CGEM a organisé sa rencontre avec les médias pour débattre des enjeux de ses propositions pour le projet de Loi de Finances 2021. En guise de préambule, il a été rappelé le contexte dans lequel intervient la préparation du PLF 2021, un contexte difficile marqué par une forte récession de l’économie. Et même l’année 2021 n’augure rien de bon à cause des séquelles de la crise qui seront très profondes.
A ce titre, force est de constater que le crédit interentreprises représente 40% du PIB national pesant lourdement sur la trésorerie des entreprises et la crise sanitaire ne manque pas d’exacerber davantage le manque de liquidité. Ajoutons à cela que les secteurs ou les locomotives sur lesquelles repose en grande partie l’économie marocaine pour ne citer que l’automobile, l’aéronautique, le tourisme… sont actuellement fortement secoués par les effets de la pandémie au niveau même mondial. C’est pour dire que l’offre marocaine souffre et manque cruellement de débouchés.
Autre élément important sur lequel s’est basé le Patronat pour concevoir ses propositions est le dernier discours du Souverain qui se veut une révolution sociale puisqu’il prône la généralisation de l’ensemble des prestations (AMO, retraite, allocations familiales) à toute la population. Un chantier d’envergure sur lequel il faut s’atteler dès maintenant en pensant à de nouveaux mécanismes de financement. A rappeler que lesdites prestations sont servies essentiellement par la CNSS.
« En se basant sur l’ensemble de ces éléments, la CGEM a construit ses mesures qui ont pour objet de renforcer les entreprises comme un moyen de préserver l’emploi et la trésorerie parce que c’est là où le bât blesse. Autre élément important est la refonte de l’offre Maroc », explique à ce sujet Hakim Marrakchi, Vice-président de la CGEM et Président de la Commission Fiscalité et Douane. Nous ne le dirons jamais assez, cette crise porte et portera beaucoup de préjudices au tissu économique et à la pérennité de l’emploi comme c’est le cas partout ailleurs.
Interpelé sur la nature des mesures qui sont budgétivores dans un contexte de crise, Chakib Alj, président de la CGEM rappelle que les propositions constitueront certes un défi pour le budget de l’Etat mais elles sont nécessaires pour que les entreprises se relèvent de cette crise. Autrement, nous risquons de les voir disparaître ainsi que les recettes fiscales qui vont avec.
Et d’enchaîner : « il est impératif de déployer des efforts de part et d’autre pour que la vision s’accomplisse. Cela va permettre au tissu économique d’être plus résilient et à l’économie de se régénérer» . Abdelmajid Faiz, Vice-président de la Commission Fiscalité et Douane n’est pas de l’avis que les mesures proposées par la CGEM pèseront sur le Budget et considère que le Patronat recommande également des mesures non fiscales qui ne coûtent rien à l’Etat.
Sans langue de bois, A. Faiz explique : « Effectivement dans une période de crise, il va y avoir un impact sur les recettes fiscales de l’Etat mais si les entreprises s’arrêtent, l’impact sera encore plus important sur ces recettes. C’est un arbitrage que les pouvoirs publics sont appelés à faire pour sortir indemne de la crise. Partout dans le monde, le dogme de la préservation des équilibres macroéconomiques a sauté ».
Augmenter l’endettement quitte à soutenir l’entreprise et générer des recettes fiscales pour rembourser l’endettement ou préserver les équilibres au détriment du tissu économique ? Un vrai dilemme. C’est pour dire que l’heure est grave et qu’il est impératif de faire des calculs en fonction des effets induits de chaque mesure en termes de recettes et d’emplois. Il faut un calcul dynamique plus qu’un calcul budgétaire figé à un instant qui prône la relance.
Inutile de rappeler l’approche keynésienne qui prône en temps de crise la relance par l’investissement. En dehors de l’Etat, même le Patronat est appelé à procéder à des évaluations de ces mesures qui nous ont été servies à l’état brut.
Le code du travail : çà urge !
En tant que levier de protection des salariés, la question relative au dialogue social a par ailleurs suscité le débat. Hicham Zouanat, Président de la Commission Sociale annonce : « En ce qui concerne le dialogue social, l’actualité concerne deux sujets forts : le premier mis sur la table et que nous attendons depuis septembre 2016 est le projet de loi relatif au droit de grève. Il est dans le circuit législatif depuis fin 2016. On attend toujours qu’il sorte de ce circuit et qu’il y ait un dialogue tripartite (Gouvernement-Patronat-CGEM) pour en discuter ».
Le second dossier est le code du travail. A la fin de la semaine soit les 2 et 3 octobre deux journées de réflexion seront programmées sur les urgences d’amendement de ce texte qui devient caduque depuis 16 ans de pratique.
Relance économique : le puzzle incomplet ?
En ce qui concerne la relance économique, les intervenants estiment qu’il est prématuré de procéder actuellement à une évaluation d’impact notamment pour les 120 Mds de DH arrêtés par le Souverain. Des 120 Mds de DH, 75 Mds de DH sont destinés à garantir les crédits de financement. Aujourd’hui, juste une partie ne dépassant pas les 25 Mds de DH a été injectée. Procéder à évaluation de l’impact semble aujourd‘hui difficile en raison de la tendance économique mondiale, de l’évolution épidémiologique et d’autres éléments qui assombrissent la visibilité.
Il reste toutefois important de souligner que les mesures ou les propositions du Patronat demeurent pauvres en chiffres. Il serait souhaitable de les accompagner par des chiffres résultant d’évaluation de telle ou telle mesure pour mieux cerner son enjeu dans un contexte inédit mais qui constitue un grand et sérieux virage pour notre économie.
Lire également : [EXCLUSIF] VOICI EN DÉTAIL LES PROPOSITIONS DE LA CGEM POUR LE PLF 2021