Alors que la machine économique sort de sa léthargie, elle doit tourner à 50 % de sa capacité pour éviter la propagation de la contamination et attendre ce plan de relance tant attendu. Mais face à l’ampleur des effets du Covid-19, cela suffira-t-il pour lui éviter des risques graves d’irréversibilité ? N’est-il pas temps de penser à un sauvetage au lieu d’une relance surtout face à des pays qui perfusent leurs économies à coup de milliards de dollars ?
Quasiment tous les pays ont lancé des plans de sauvetage de leurs économies depuis mars dernier pour faire face aux effets de la crise du Coronavirus, dont le monde pâtit des premiers impacts.
Les conséquences s’avèrent plus lourdes que ce que les économies du monde ont dû affronter à ce jour.
Pour ne prendre que le cas allemand, pourtant puissance économique mondiale et dont le tissu économique et industriel est très compétitif, un dispositif de crise de quelque 750 milliards d’euros, ce qui équivaut à près de 22 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Allemagne, a été mis en place.
Ce dispositif est assorti de plusieurs mesures qui vont de la facilitation aux entreprises de se refinancer sur le marché des capitaux et de garantir leurs dettes et leurs engagements pendant la crise aux mesures de recapitalisation directe à hauteur de 100 milliards d’euros, afin d’assurer la solvabilité des entreprises allemandes par le biais de prises de participation et même de nationalisations temporaires.
D’autres pays ont également déployé la grosse artillerie non seulement pour permettre à leurs économie et secteur privé de faire face aux effets immédiats de la crise, mais pour sauvegarder voire renforcer la compétitivité de leurs entreprises dans un contexte post-crise sanitaire où tous les pays se livreront une rude concurrence pour grignoter quelques « miettes » de croissance.
Au Maroc, le virus a tapé l’incruste à un moment où l’économie ne « pétait » pas la forme, s’ajoutant ainsi à la longue liste de problèmes structurels qui freinent les ambitions de croissance et de création d’emploi du Royaume.
Depuis le déclenchement de la crise et hormis les mesures prises par le Comité de veille économique, financés par le Fonds spécial de gestion de la crise Covid-19 pour limiter les dégâts immédiats du Covid-19 et qui prennent fin en principe le 30 juin, la seule mesure mise en œuvre dans la perspective de la relance économique se résume au dispositif de financement assorti de la garantie publique. Alors que l’essence même d’un plan de relance est de lancer des actions massives pour un impact significatif et immédiat. Or, depuis la reprise de l’activité, pour les entreprises qui étaient à l’arrêt, c’est un peu une navigation à vue.
Aussi, amorcer la relance par la dette bancaire suscite-t-il l’appréhension aussi bien du tissu économique qui préfère des subventions que du secteur bancaire, qui malgré l’assouplissement de la politique monétaire craint pour sa solvabilité face aux besoins exprimés et au risque de défaillance.
S’il est vrai que le Comité de veille économique se réunit cette fin de semaine, il gagnerait à dévoiler son plan qui tarde à voir le jour.
En effet, c’est le 21 mai dernier que la CGEM a livré ses propositions, et un mois plus tard toujours pas de plan de relance bien que le Chef de gouvernement en a annoncé quelques grandes lignes sans plus de détails.
Mais aujourd’hui, ce n’est pas seulement d’une relance dont l’économie a besoin mais d’un plan de sauvetage aussi bien sur le volet économique que social pour préserver des milliers d’emplois sur la sellette. L’enjeu est d’éviter une défaillance de marché et les risques graves d’irréversibilité, dans un contexte où d’autres pays aiguisent leurs armes, car la reprise mondiale ne se fera pas à la loyale.
Le président du CVE en sait quelque chose puisque pour chacun de ses passages devant les députés, il décrit une situation économique de plus en plus difficile et qui se dégrade à vue d’œil alors que nous ne sommes qu’à la première vague des effets désastreux du Covid-19. Des impacts qui s’aggravent plus le temps passe en l’absence d’une riposte de l’Etat face à un virus qui ne fait pas de quartier.
Autres chiffres qui plaident en faveur de mesures encore plus significatives sont les données économiques livrées par la DEPF qui permettent de mesurer l’ampleur de la crise et ses effets sur des pans entiers du tissu économique paralysés par l’arrêt brutal d’activité, pour ne citer que le tourisme, les métiers mondiaux du Maroc… et la liste est loin d’être exhaustive.
Le secteur privé pour sa part, doit jouer le jeu et se défaire de certaines pratiques qui asphyxient les entreprises pour ne citer que le crédit interentreprises qui pèse sur les PME et TPE, ou encore s’attaquer sérieusement à la problématique de la compétitivité et la rude concurrence des entreprises étrangères aussi bien sur le marché national que mondial. L’état gagnerait à cibler son aide et accompagner sur les secteurs stratégiques qui répondent aux besoins mondiaux post-Covid. L’exemple de la production et exportation est la preuve édifiante que les capacités de reconversion rapide de certaines industries et c’est une niche à exploiter au maximum.
Mais, le secteur privé doit également prendre conscience que ce transfert de ressources de la par de l’Etat n’est pas un acquis pour s’endormir sur ses lauriers et ne peut être inscrit dans la durée au risque de provoquer une dégradation structurelles des finances publiques. Il devra prendre enfin le relais.
Aussi, la « bienveillance » vis-à-vis du secteur informel doit-elle céder le pas à une politique plus rigoureuse pour canaliser l’économie parallèle qui pénalise le pays économiquement mais aussi bafoue les droits des travailleurs. Cette économie informelle est appelée à assumer sa responsabilité après des décennies d’incivisme économique, fiscal et social.
Ce sauvetage doit concilier entre objectifs économiques et sociaux, en prévoyant des actions à même de préserver le pouvoir d’achat des ménages et sauvegarder une demande interne déjà affaiblie, à travers non seulement les programmes sociaux d’aide mais surtout en prévoyant des mesures fortes dans le projet de Loi de Finances rectificative particulièrement l’IR et la TVA.
L’enjeu à ce niveau est de limiter ou au mieux éviter les risques d’irréversibilités sociales, sans oublier que sans classe moyenne forte point de croissance.
L’heure est grave et la situation est inédite, mais ces quelques mois de crise sanitaire ont démontré une capacité formidable des forces vives du pays d’être au rendez-vous.