L’opération de cession n’a pas été autorisée par les organes délibérants. L’action du gouvernement constitue ainsi une atteinte à l’autonomie de l’ONCF.
Le processus de privatisation n’a pas été épargné par le rapport de la Cour des comptes sur les Entreprises et établissements publics publié en 2016, intitulé : « Le secteur des établissements et entreprises publics au Maroc : ancrage stratégique et gouvernance ».
Dans son rapport, la Cour des comptes a appelé les pouvoirs publics à procéder à une révision approfondie de ce processus. D’ailleurs, il est temps de procéder à une refonte des mécanismes de transfert des entreprises publiques au secteur privé après trois décennies d’exercice. « Le but recherché est d’assouplir le dispositif légal de la privatisation et ce dans le cadre d’une meilleure adaptation au contexte aussi bien national qu’international », apprend-on dans ledit rapport. Il a été notamment recommandé d’amender la loi dans le sens de faire figurer les entreprises à privatiser et les participations financières à céder sur les projets de Lois de Finances annuelles, et d’abandonner l’obligation de figer les entreprises privatisables sur une liste votée par le Parlement. C’est chose faite à présent.
Le fait d’introduire la privatisation de La Mamounia dans le corps du projet de la Loi de Finances 2019 se veut ainsi une réponse à cette dernière recommandation de la Cour des Comptes.
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Toutefois, les pouvoirs publics ont fait dans la demi-mesure. Et pour cause la proposition de la privatisation de La Mamounia, filiale de l’ONCF à concurrence de 62% a été faite sans approbation préalable des organes délibérants de l’ONCF. En effet, l’article 6 du Dahir n° 1-63-225 du 14 rebia I 1383 (6 août 1963 ) portant création de l’Office national des chemins de fer, stipule que : « Le Conseil d’administration… décide de tous les achats, ventes, échanges, acquisitions et aliénations de biens meubles, ou immeubles lorsque le montant dépasse 100.000 Dirhams ». La cession de la participation de l’ONCF dans La Mamounia doit faire l’objet d’une résolution l’autorisant. Cette opération n’a pourtant pas été à l’ordre du jour du dernier Conseil d’administration de l’ONCF tenu le 20 juillet 2018, selon une source bien informée.
Il s’agit donc d’une opération de cession non autorisée par les organes délibérants. L’action du gouvernement constitue une atteinte à l’autonomie de l’ONCF devant être constamment préservée selon le rapport de la Cour des comptes. Ainsi, celui-ci prévoit que les décisions importantes concernant les EEP et pouvant impacter leur équilibre économique et financier devrait être prises en concertation préalable avec leurs dirigeants au sein de leurs organes de gouvernance.
A cet égard, consciente de l’intérêt de l’importance de l’autonomie et de l’indépendance des organes de gestion dans l’instauration de la bonne gouvernance, la Cour des comptes préconise :
Concernant les participations indirectes de l’Etat et pour insuffler une plus grande vitalité et une réactivité de l’actionnaire public, il faudrait responsabiliser davantage les organes délibérants des établissements et sociétés détenteurs de ces participations dans la prise de décisions, et ce en ligne avec le principe de gouvernance des entreprises.
Le but recherché est que l’entreprise publique préserve son autonomie, adopte sa stratégie à condition que cette dernière soit en ligne avec la politique économique et sociale tracée par le gouvernement et avec l’orientation stratégique du secteur des EEP.
L’absence de l’autorisation des organes de gestion pour la cession de la participation de l’ONCF dans La Mamounia ne risquerait-elle pas d’entacher l’opération de nullité ?