Le gouvernement semble enfin prendre la pleine mesure de l’urgence de la situation et recourt à l’article 5 de la loi sur la liberté des prix et la concurrence.
La proposition du gouvernement concernera-t-elle le plafonnement des marges ou bien celui des prix des hydrocarbures ?
Cela fait plus d’un mois que le boycott tient en haleine pouvoirs publics, médias, investisseurs, commerçants ainsi que tous les citoyens. L’étendue de cette opération, qui a démarré sur les réseaux sociaux, a pris une dimension inespérée. Et l’un des dossiers chauds sur lequel tous les projecteurs sont aujourd’hui braqués est bien celui de la libéralisation des hydrocarbures.
Après plusieurs semaines d’effervescence, le gouvernement est enfin sorti de son mutisme dans l’affaire de la hausse des prix des hydrocarbures. Il faut dire qu’il était temps car en l’absence d’instances de contrôle et de régulation à l’instar du Conseil de la Concurrence, à l’état végétatif depuis 2013, les principaux bénéficiaires, qui ne sont que les distributeurs ont largement profité de cette libéralisation. Les chiffres parlent d’eux-mêmes puisqu’en deux ans, les résultats des principaux distributeurs ont explosé. C’est ce qui ressort du rapport de la Commission d’information parlementaire sur les prix des carburants qui a mis à nu la situation actuelle. Il met ainsi en évidence les excès des sociétés de distribution des carburants qui auraient doublé leurs bénéfices depuis le 1er décembre 2015. Ils auraient encaissé 17 Mds de DH de gains que les citoyens ont malheureusement payés de leur poche ce qui a mis à rude épreuve leur pouvoir d’achat.
Face à l’ébullition de la rue et au ras le bol des Marocains, le gouvernement semble prendre enfin (sic) conscience de la nécessité d’agir. Il recourt ainsi à l’article 5 de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence pour fixer un plafond des prix et passer à la régulation réelle du marché. Il s’agit donc d’un plafonnement des prix et non pas des marges comme relayé par les médias.
Pour comprendre l’étendue de cette décision, nous avons contacté Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence (CC) qui observe impuissant ce qui est en train de se dérouler : « Le fonctionnement du marché est régi par la loi sur la libération des prix et de la concurrence. Donc, la liberté des prix est chose fondamentale. Cependant, tous les droits de la concurrence admettent qu’il peut y avoir une forme de régulation en fixant un plafond à ne pas dépasser et laisser la concurrence jouer en-deçà ».
A cet égard, le président du CC préconise un plafonnement des prix plutôt que des marges car cela impliquerait le calcul du prix de revient et donc des allers-retours au niveau des arguments ce qui risque de faire traîner le processus.
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Benamour appelle, comme il le fait depuis environ 5 ans, à l’activation en urgence de l’instance de la Concurrence pour qu’elle puisse jouer le rôle qui lui incombe. Car l’urgence aujourd’hui n’est pas uniquement de prendre des décisions pour calmer les esprits mais d’avoir les bases solides d’un marché de libre prix ainsi que de concurrence. Car comme l’a si bien dit le philosophe français Montesquieu, il y a plus de 4 siècles, «C’est la concurrence qui met un juste prix aux marchandises, et qui établit les vrais rapports entre elles ».
Et ce n’est pas Benamour qui dira le contraire. «La principale régulation réelle du marché ne se résume pas à la fixation d’un plafond mais d’abord de permettre au Conseil de jouer son rôle. Si le régulateur avait pu jouer son rôle peut-être nous aurions évité beaucoup de ces problèmes», tient-il à rappeler.
Plusieurs voix s’étaient d’ailleurs levées pour dénoncer ce silence au sujet de la nomination des membres du Conseil. La question aujourd’hui est de savoir : Le gouvernement va-t-il enfin activer ce dossier ? Interrogé à ce sujet, Abdelali Benamour nous affirme n’être au courant de rien !