Ecrit par S. Es-Siari |
L’élargissement de la protection sociale au Maroc est un chantier titanesque nécessitant des ressources financières importantes pour assurer sa pérennité. Au-delà du financement, il existe d’autres écueils sur lesquels pourrait buter le système en cours de route. Le puzzle ne pourrait être au complet que si chacune des parties prenantes apporte sa pierre à l’édifice.
Sous le Haut Patronage de Sa Majesté Roi Mohammed VI, la Caisse de Dépôt et de Gestion, à travers sa Branche Prévoyance en charge de la CNRA-RCAR, en partenariat avec la Caisse nationale de la sécurité sociale, la Caisse Marocaine des Retraites et la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite, vient de lancer, ce lundi 24 octobre 2022 au Palais des Congrès de Marrakech, la cérémonie d’ouverture du Forum Mondial de la Sécurité sociale (FMSS) de l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS).
Articulé autour du thème « La sécurité sociale pour des sociétés résilientes et inclusives », ce forum, qui est considéré comme l’événement international le plus important dans le domaine de la sécurité sociale et qui est organisé tous les trois ans, a réuni toute une pléiade de spécialistes, de professionnels et d’acteurs du secteur de la prévoyance du Maroc, mais aussi du monde entier.
S’exprimant lors de la cérémonie de lancement du forum, Younes Sekkouri, Ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, a rappelé que le projet sociétal de protection sociale bénéficiait d’un suivi et d’une attention particulière de la part de Sa Majesté le Roi Mohammed VI Que Dieu L’Assiste. «Ce projet d’envergure aura des effets directs et tangibles sur l’amélioration des conditions de vie des citoyens, la préservation de la dignité de tous les Marocains, outre sa contribution à l’intégration du secteur informel », a déclaré le Ministre.
De son côté, Khalid Safir, Directeur général de la CDG a souligné que les pouvoirs publics et l’ensemble des parties prenantes sont plus que jamais mobilisés pour la réussite du chantier national de généralisation de la protection sociale et qui vise à garantir, à tous les citoyens, l’accès à un système de protection sociale, pérenne, équitable et adapté.
Il a ajouté que grâce au lancement de ce chantier national hautement stratégique, le secteur de la protection sociale connait aujourd’hui une dynamique sans précédent qui s’appuie, entre autres, sur des institutions dédiées, mobilisées pour déployer le chantier de l’élargissement du système de protection sociale.
Pour sa part, Ahmed Réda Chami, président du Conseil économique social et environnemental, a salué les efforts qu’a consentis le gouvernement en vue de la réussite de ce chantier grandiose. « La protection sociale n’est pas un acte de charité. C’est une nécessité vitale pour asseoir la cohésion sociale mais aussi la prospérité de notre pays. Le gouvernement a réussi à réaliser une réforme paramétrique et à dégager des valeurs actuarielles nécessaires au lancement de cette machine imposante qu’est la protection sociale. Maintenant nous devons nous concentrer davantage sur le financement, et notamment sur la capacité contributive du privé », a-t-il affirmé.
A ce titre, Réda Chami n’a pas hésité à rappeler les défis et les risques auxquels le système de sécurité sociale pourrait faire face. Il commence par le risque lié à la pérennité et exhorte les responsables à réfléchir à des projections à long terme à travers des études actuarielles. Et pour cause la capacité contributive est faible, le PIB est limité et l’assiette fiscale est restreinte. Pour Réda Chami, l’Etat pourrait se procurer des ressources en luttant davantage contre la fraude et l’évasion fiscale.
Dans son intervention, le président du CESE met le doigt sur l’iniquité des différents régimes de retraite allant des moins généreux vers les plus généreux.
Autre point important est l’acceptabilité des cotisations étant donné le faible pouvoir d’achat des citoyens.
Last but not least est l’offre de soins qui souffre de plusieurs maux. Il corrobore ses propos par des chiffres : 7,1 médecins pour 10.000 habitants, 600 médecins quittent annuellement le Maroc et 52% des médecins se concentrent sur l’axe Casa-Rabat. Sans parler de l’infrastructure hospitalière du secteur public qui reste peu développée.
A son tour, Fouzi Lekjaa, Ministre chargé du Budget, a déclaré : «Sa Majesté le Roi Mohammed VI Que Dieu L’Assiste a inscrit le Maroc dans cette révolution sociale, ce qui a abouti à la mise en place d’une loi cadre. Le coût global de cette réforme importante est de 51 milliards de dirhams par an dont 26 Mds de DH proviennent du Budget de l’Etat».
Lekjaa note par ailleurs que l’aboutissement de l’élargissement de la protection sociale a pour corollaire la décompensation des produits compensés qui profitent essentiellement aux couches les plus aisées.
Il appelle également à mettre en place des moyens fluides de recouvrement pour assurer la pérennité du système. Aussi dans son intervention, il appelle à recourir plus au médicament générique quand c’est possible. Et pour cause le médicament occupe un poste prépondérant soit plus de 70% des frais de remboursement. D’où la nécessité de maîtriser ce poste.
Dans la foulée, il rappelle que dans le PLF 2023, il est prévu d’exonérer du droit à l’importation l’ensemble des médicaments. Le but étant d’améliorer le prix des médicaments. Mais il est convaincu que ce n’est pas suffisant et que d’autres mesures doivent être instaurées pour alléger le poids du prix du médicament.
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Pour Joaquim Breuer, Président de l’ISSA , ce forum est un appel destiné « à renforcer la sécurité sociale et à en faire un tremplin important en vue de garantir la résilience et le progrès. Personne ne doit être laissé pour compte et la sécurité sociale est là pour combattre tout sentiment d’exclusion ».
Aawatif Hayar, Ministre de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la Famille a déclaré que la compensation est importante pour endiguer l’impact de la hausse des prix. Elle a ajouté que le ministère soutient des milliers de veuves et d’enfants en situation de handicap et a lancé Dar Taliba, ainsi que plusieurs autres initiatives importantes. Le budget qui a été déployé pour soutenir ces initiatives est de 240 millions de DH.
Tayeb Bouhouch, directeur de la couverture sociale au sein du ministère de la santé, a déclaré que la stratégie du ministère repose sur quatre piliers importants qui sont la gouvernance, les ressources humaines, l’offre de santé et la digitalisation. La maîtrise de l’action des acteurs, le renforcement de la gouvernance hospitalière et la planification territoriale de l’offre sanitaire, la valorisation du capital humain et la qualité des hôpitaux, et la digitalisation du système de santé sont autant de volets sur lesquels repose la stratégie du ministère.