Ecrit par Soubha Es-Siari |
Dans un contexte marqué par la pandémie qui a révélé au grand jour les fragilités sociales dont souffre notre économie, l’urgence de la réforme des régimes de retraite est remise en selle pour une foultitude de raisons. La question qui se pose d’emblée : où en est le cabinet Finactu dans l’étude qui lui a été confiée il y a deux ans ?
Le Maroc se prépare à un chantier titanesque qu’est la généralisation de la couverture sociale. Cette réforme envisagée dans un déploiement quinquennal s’articule en deux phases. La première est consacrée à la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et des allocations familiales dans une mise en œuvre qui va s’étendre de 2021 à 2023.
La seconde phase, quant à elle, sera étalée de 2024 à 2025 et assignée à l’indemnité pour perte d’emploi (IPE) et à l’extension de la retraite.
Le projet relatif à l’extension de la retraite remet en selle un autre projet de taille relatif à la réforme des régimes de retraite sur lequel ne filtre aucune information. Il s’agit plus explicitement de l’étude relative à la réforme systémique de la retraite confiée le 5 octobre 2018 au cabinet Finactu à l’issue d’un appel d’offres lancé par le ministère de l’Economie et des finances.
Cette étude scindée en 4 phases n’est en fait que l’instrument d’aide à la décision pour la réforme globale des régimes de retraite (suite à la réforme paramétrique de la CMR).
Cette réforme paramétrique intervenue en 2016 a permis d’équilibrer la tarification de la Caisse Marocaine de retraite au titre des droits acquis après 2017. Toutefois, l’importance des engagements du régime au titre des droits acquis avant la réforme pèse toujours avec un épuisement des réserves projeté pour 2025.
Aussi, la sous-tarification des droits acquis dans le cadre de la branche long-terme de la CNSS et du régime général du RCAR conduit-elle à une forte accumulation des dettes implicites (engagements non couverts) des deux régimes. C’est pour dire l’importance et l’urgence d’amorcer la seconde étape de la réforme des régimes de retraite.
Où en est le Comité de pilotage ?
En effet, il était prévu que les résultats de l’étude confiée à Finactu seraient dévoilés Ceteris Paribus vers la fin de l’année 2019. Nous sommes en 2021 et rien ne filtre encore. Etant donné l’importance et la sensibilité d’une thématique telle que la retraite, la réalisation de cette étude est suivie par un Comité de Pilotage mis en place par le ministre de l’Economie et des Finances. Ce comité se charge d’instituer la coordination des prestations à réaliser dans le cadre de l’étude et le suivi de son état d’avancement.
Interrogée sur l’état d’avancement de l’étude en question, une source proche du dossier souhaitant garder l’anonymat rassure que l’étude avance certes lentement mais sûrement. La première partie consistant à diagnostiquer et analyser la situation actuelle des régimes de retraite tout en se basant sur les différentes études réalisées par les Caisses est déjà livrée par le cabinet Finactu au ministère des finances. « Cette première phase devait se faire par ailleurs sur la base de l’analyse des différents textes de lois relatifs aux régimes de retraite et prendre en considération les différents rapports et études actuarielles y afférents », est-il annoncé.
« Pour ce qui est de la seconde phase portant sur la conception technique du système cible bipolaire (pôle public- pôle privé), elle est en cours de finalisation », annonce notre source qui tient à préciser qu’il s’agit de la phase la plus cruciale de ladite étude. Cette bipolarisation est d’ailleurs l’une des recommandations phares de la Commission nationale chargée de la réforme des retraites en 2009.
Le prestataire est ainsi amené à proposer en détail pour chaque pôle un scénario de conception technique (horizon de viabilité, taux de remplacement cible, niveau de cotisation…), et ce en se basant sur les résultats de la première phase.
Notre source assure que le livrable est reçu mais il continue à faire des allers-retours avec le prestataire pour bien peaufiner le travail. Pour ce faire, l’Administration passe au peigne fin les implications de l’architecture pôle public-pôle privé sur les Caisses de retraites qui au-delà de la protection sociale, jouent un rôle important dans le financement de l’économie.
Bon an, mal an, elles injectent 300 Mds de DH dans le circuit. L’Administration étudie également et minutieusement les paramètres que ce soient le taux de remplacement, le taux de cotisation, l’âge de la retraite…
Tout en étant consciente de l’urgence de réformer le régime des retraites, l’Administration est aussi consciente qu’il s’agit d’une réforme de grande envergure et, du coup, elle est soucieuse de la qualité du travail fourni par Finactu. Partant de là, le timing de la finalisation de l’étude dans sa globalité serait difficile à définir.
A rappeler que Finactu a encore à livrer deux autres parties qui ne sont que la deuxième et la troisième phase de l’étude. La troisième est relative à la gouvernance et modalités de gestion du système. La quatrième porte sur la feuille de route pour la transition au système cible. Le cabinet sera par ailleurs appelé à développer les différentes étapes intermédiaires avant de passer au système cible.
La solution d’un pôle public et privé serait difficile à envisager comme un schéma définitif de la réforme et ne pourrait être qu’une étape transitoire vers la mise en place d‘un régime de base unique. Le but étant de mettre en place, à terme, un régime de retraite de base obligatoire, plafonné et ouvert à l’ensemble des actifs qu’ils soient salariés ou non.
Une fois achevée, l’étude sera remise au Chef de gouvernement appelé à son tour à discuter avec les différents acteurs sociaux sur les multiples enjeux de la réforme du régime des retraites. Or, comme il s’agit d’une année électorale, croisons les doigts et prions pour que l’étude en question ne soit casée dans un tiroir.
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