Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Après 3 ans de gestation, le projet de création des sociétés régionales multi-services pour la gestion de l’eau, de l’électricité et de l’assainissement a enfin vu le jour. Un projet qui n’est pas encore clair et qui a suscité de vives réactions.
Le Conseil de gouvernement, réuni le 26 janvier, a adopté le projet de loi 83-21 relative aux sociétés régionales multi-services qui vise à remédier aux contraintes dont pâtit le secteur de distribution de l’eau potable, de l’électricité et de l’assainissement liquide, qui l’empêchent de satisfaire les demandes croissantes.
Lesdites sociétés auront pour mission principale la gestion de l’installation de distribution d’eau potable, d’électricité, de l’assainissement et d’éclairage public en cas de besoin, dans les limites de leur périmètre territorial sur la base du contrat de gestion conclu avec le délégataire.
L’enjeu étant d’améliorer la qualité des services, de rationaliser les coûts opérationnels par l’optimisation des investissements à travers la continuité territoriale des opérations, la mise en œuvre des synergies et des complémentarités ainsi que le renforcement des économies et des performances par la réduction des pertes d’eau et d’électricité dans les réseaux de distribution.
Rappelons que l’idée a germé vers 2018. En janvier 2019, l’ancien ministre de l’Energie et des Mines, Aziz Rebbah, annonçait les prémices d’un nouveau virage que l’Etat s’apprêtait à prendre dans la gestion de la chose publique particulièrement dans ce secteur sensible.
Une annonce qui avait suscité de vives réactions et d’inquiétudes. La question qui se posait à l’époque était si ce nouveau virement allait-il mettre fin à 3 décennies de gestion déléguée ? Car faut-il rappeler que dès les années 90, et en raison de l’endettement qui grevait sérieusement les capacités de financement de l’Etat, ce dernier et les collectivités publiques se sont tournés vers le secteur privé national et étranger pour restructurer l’économie nationale et développer les services publics. Un modèle qui a atteint ses limites et qui a poussé l’Etat à repenser un nouveau modèle.
Aujourd’hui, le projet de loi vient apporter certaines réponses. Ainsi l’article 14 stipule que la société assurera la gestion des services publics qui étaient confiés à l’Office National de l’Electricité et de l’Eau Potable (ONEE) et aux régies autonomes de distribution d’eau et d’électricité avant la date d’entrée en vigueur du contrat d’approvisionnement. A compter de cette date, la gestion de l’ONEE et des organismes précités dans le contrat de gestion déléguée prendra fin.
Mais quid des contrats des délégataires à savoir LYDEC à Casablanca, REDAL à Rabat & Salé et AMENDIS à Tanger & Tétouan qui prendront fin respectivement en 2027, 2028 et 2026 ?
La loi précise qu’une décision conjointe des autorités gouvernementales relevant du ministère de l’Intérieur, des Finances et de l’Energie fixera les contrats exclus de l’application de cette loi sans préciser le sort des contrats en cours.
Qu’en est-il du personnel de l’ONEE et des régies ?
Pas de quoi s’alarmer. L’article 15 du projet de loi précise que les salariés appartenant à l’Office National de l’Electricité et de l’Eau Potable et des régies autonomes de distribution d’eau et d’électricité ainsi que les salariées des installations confiées à la gestion de l’entreprise seront transférés à la sociétés régionales multi-services.
La loi précise en l’occurrence que la situation des salariés de l’ONEE et des entreprises sera garantie et maintenue au même niveau à la date de leur transfert. Restera à voir comment cette nouvelle entité réussira-t-elle à mettre tous les salariés sur le même pied d’égalité ?
Mais ce n’est pas l’avis de la Fédération nationale d’eau potable affiliée à l’UMT qui a réagi à ce projet de loi. Dans un communiqué la Fédération rejette en bloc ce projet et refuse de mettre fin aux services de distribution d’eau à travers le projet de création de sociétés régionales multi-services.
La Fédération dénonce le fait que les parties prenantes n’ont pas été associées et met en garde contre la finalité de ce projet qui, selon elle, ne serait que le début de la privatisation de l’ensemble du secteur. La Fédération appelle à maintenir ce secteur vital dans le giron du secteur public afin de garantir le droit des citoyens à l’eau.
« Ce projet de loi est dangereux et injuste, aux conséquences incalculables contre l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, qui est connu pour son travail sérieux et responsable, et qui a fourni et continue de fournir le service requis aux citoyens, quelles que soient les circonstances, et à un prix social qui tient compte du pouvoir d’achat des citoyens et contribue au développement durable », lit-on dans ledit communiqué.
Cela dit, à la lecture de ce projet de loi plusieurs question restent en suspend. Il faudra attendre les décrets d’application de cette loi pour en savoir davantage.