Dans un contexte de crise sanitaire, les opérateurs du secteur du tourisme doivent doubler d’efforts pour sortir la tête de l’eau. Pour y parvenir, une importance particulière doit être accordée au tourisme intérieur.
Petit à petit, les frontières s’ouvrent pour que l’activité économique puisse retrouver son rythme normal et sauver un tant soit peu l’activité touristique. En Europe, en dehors de l’Espagne qui a décidé de rouvrir ses frontières aux étrangers, les autres pays souhaitent se contenter des touristes européens. Le virus étant toujours présent.
Au Maroc, à quelques jours du déconfinement, c’est le blackout total. Sans vouloir se comparer avec d’autres pays qui quelques semaines avant le déconfinement dévoilent des scénarios de sortie, une véritable mobilisation tous azimuts pour être prêt le jour j, au Maroc, les informations se font au compte-goutte. Les quelques sorties officielles de certains responsables n’apportent aucune valeur ajoutée et ne parviennent pas à rassurer l’opinion publique suspendue à leurs lèvres.
Les recettes voyages fondent
Revenons-en au secteur du tourisme. Nombreuses sont les destinations qui maintiendront fermées leurs frontières avec le Maroc.
Aussi, si le Maroc décide à son tour de garder fermées ses frontières jusqu’à nouvel ordre, la décision serait lourde de conséquences. Déjà au mois d’avril, suite à l’état d’urgence sanitaire, les chiffres afférents aux recettes voyages ont fondu comme neige au soleil. Elles atteignent 19.978 MDH à fin avril contre 22.913 MDH un an auparavant, soit une baisse de 2.935 MDH ou 12,8%. L’excédent de la balance voyages s’inscrit, ainsi, en baisse de 933 MDH ou de 5,7%.
Pis encore, les opérateurs du secteur estiment les pertes à quelques 34 MDH soit 6 millions de visiteurs de moins que l’année passée et ½ million de personnes à l’arrêt de travail.
Face à cette situation macabre, le Maroc est amené à reconquérir une clientèle qui s’est habituée depuis belle lurette à passer les vacances dans d’autres pays avec un coût-avantage plus alléchant. Autrement dit, les opérateurs du secteur sont appelés à réfléchir sérieusement à des packs qui s’adaptent aux besoins de la clientèle marocaine essentiellement celle qui a boudé des années durant le Maroc comme destination de vacances.
C’est d’ailleurs l’un des messages clé de cette crise sanitaire qui devrait marquer une rupture avec le passé. Il s’agit tout simplement de réduire notre dépendance à l’étranger ou relocaliser le tourisme, un terme très galvaudé ces derniers temps, Covid19 oblige.
Cela ne veut aucunement dire vivre en autarcie ou rompre avec les préceptes de la mondialisation mais essentiellement ne pas négliger la demande interne qui sous d’autres cieux joue un rôle déterminant dans la croissance économique. « La vulnérabilité du secteur du tourisme au Maroc vient sur le plan de la demande de la dépendance extérieure à la fois conjoncturelle et structurelle, et sur le plan de l’offre, du caractère transversal d’une activité qui dépend de nombreux partenariats avec d’autres secteurs productifs », explique un économiste. Et d’enchaîner: « Au Maroc, les atouts du tourisme pour son développement sont en même temps les facteurs de vulnérabilité ».
Se réconcilier avec les déserteurs
Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie et ressasser les faiblesses du secteur touristique au Maroc, il est aujourd’hui imminent de sauver la saison. Nous sommes à moins d’un mois de la période estivale et les opérateurs du secteur sont appelés à miser le tout pour le tout pour être au rendez-vous avec les autochtones et du coup sauver un secteur qui pèse dans l’économie.
Il sied de rappeler que selon les derniers chiffres disponibles, le secteur du tourisme contribue en 2018 pour 6,9% au PIB national, contre 6,8% en 2017. Il représente 16,84% des exportations en 2018, contre 16,24% en 2017. Il contribue foncièrement à l’allègement du déficit de la balance de paiement. En effet, le taux de couverture de la balance voyages s’est établi en 2019 à 3,76 contre 3,93 en 2018. Des indicateurs attestant de l’importance du secteur pour notre économie.
Or, il semble que les nôtres n’ont pas encore assimilé la situation. Il suffit de surfer sur quelques sites d’hôtels pour s’en rendre compte. Des tarifs mirobolants qui dissuadent tout un chacun. Pour un couple avec deux enfants, passer deux semaines dans un hôtel 5 étoiles, il faut débourser entre 50.000 DH et 60.000 DH. Les exemples sont légion. Si au moins nos hôteliers appliquaient les mêmes tarifs que ceux appliqués aux tours opérateurs étrangers qui sont nettement inférieurs avec des différences pouvant aller du simple au double. Les hôteliers peuvent faire d’une pierre deux coups : se réconcilier avec les nationaux de plus en plus séduits par d’autres destinations (Espagne, Portugal, Turquie, Grèce…) et sauver la saison avec toutes les conséquences socio-économiques qui en découlent.
Il serait également judicieux d’améliorer la part des nuitées du tourisme intérieur dans les catégories d’hébergement classées qui se situe à des niveaux en deçà des attentes. Faute de statistiques, il est même impossible de ventiler les nuitées du tourisme intérieur par type de tourisme. D’aucuns diront que la relocalisation du tourisme dans nos villes et dans nos régions aurait un impact même sur l’environnement. Les gens pourraient ainsi découvrir leur pays avec une faible contribution carbone. Une autre paire de manches !
Une chose est sûre : au lieu de continuer à se lamenter et broyer du noir, les opérateurs doivent mettre un peu d’eau dans leur vin et revoir sérieusement leur tarifs. En dehors de quelques mesures fiscales ou sociales, les pouvoirs publics ne disposent pas d’assez de marge pour les sauver de leur désarroi, tellement ils ont d’autres secteurs sur le dos. La situation est cette fois-ci vraiment différente : quasiment tous les secteurs se trouvent dans le pétrin.
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