C’était du lourd ! La conférence Table-ronde organisée à Casablanca sur les défis de l’Afrique en 2019 par Mazars Maroc à l’occasion du lancement de sa Business Unit Afrique n’a pas déçu. Bien au contraire, le débat de très haute facture de ce mardi 26 février, est justement à l’image d’une Afrique dynamique, plurielle avec une élite intellectuelle forte pourvu qu’elle trouve les espaces d’expression ! Et surtout qu’elle soit écoutée !
Une Afrique à un croisement des chemins, un carrefour historique, un tournant qu’il faut bien négocier aussi bien sur le plan politique qu’économique. Une Afrique plus que jamais dans les radars des grandes puissances internationales vu les potentialités naturelles et humaines du continent. « Un continent qui, à l’inverse de la tendance d’enfermement dans le monde, est à contre-courant avec la mise en place de la ZLECA (Zone de libre-échange continentale africaine) avec une ouverture des pays africains sur eux. Et il faut s’arrimer à la construction de ce maillage », soutient Salaheddine Mezouar, le président de la CGEM à l’ouverture de la rencontre.
De l’autre côté, le continent fait face à des défis d’ordre économique, politique, social et environnemental sans oublier le défi sécuritaire avec la prolifération de groupuscules et de mouvances qui impactent sérieusement certains pays et leur sous-région.
Pour comprendre ces enjeux et comment faudra-t-il les gérer, d’éminents intervenants ont pris place pour un débat franc et sans langue de bois.
A commencer par les enjeux politiques, avec une année de présidentielles pour certains pays comme le Sénégal, le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Algérie ou encore la Tunisie…
Le cas algérien, faisant l’actualité, a suscité des réactions différentes. Alors que Francis Kpatinde, journaliste et enseignant à Sciences po à Paris, soutient que ce qui dérange dans la candidature de Bouteflika n’est pas tant son âge, le président de Tunisie étant plus vieux que lui, mais son état de santé inquiétant ; Abdelmalek Alaoui, le président de La Tribune Afrique, appelle à la vigilance, au pragmatisme et à ne pas forcément adopter des positions occidentales. Il décrit la situation qui prévaut actuellement en Algérie comme un « jeu de Mikado », où il suffit de tirer une baguette pour que tout s’écroule. Donc, il estime que, dans ce cas, la stabilité d’un pays sorti d’une guerre civile ayant fait 200.000 morts ne relève pas que d’une question de sémantique. Pour lui, c’est aux Algériens de décider de leur devenir.
Pour Alioune Sall, le directeur exécutif de l’Institut des futures africains, si l’autoflagellation ne se justifie pas, la complaisance ne se justifie pas non plus. Il rappelle qu’une seule hirondelle ne fait pas le printemps et autant dire que la situation politique en Afrique est disparate d’un pays à l’autre, notamment en matière de démocratie représentative. Dans ce sens, certains pays africains donnent même l’exemple comme pour les présidentielles dans les îles Comores, où le président sortant et candidat à sa propre succession, Azali Assoumani, a pris congé de ses fonctions en perspectives des présidentielles du 24 mars prochain.
L’idée subjacente aux différents débats de la première table ronde sur le volet politique est l’importance pour les élites d’innover parce que les défis sont nouveaux et que l’on ne peut importer des solutions toutes faites d’ailleurs.
Idem sur le plan économique. Kako Nubukpo, l’ancien ministre togolais qui a fait les frais de ses positions irrévérencieuses a pointé du doigt l’obédience théorique ou l’orthodoxie de certaines institutions internationales, comme un frein.
D’où l’appel d’Alioune Sall à une dissidence intellectuelle dans le sens d’innover et de sortir de la doxa. Un exercice qui a le mérite de libérer le potentiel des élites politiques et intellectuelles.
Mais ce pose d’un autre côté, la question fâcheuse : dans quelle mesure l’Afrique est souveraine dans ses décisions sous le poids de prêts, de dons et d’accords avec l’extérieur. A ce niveau, il y a lieu de citer une action à saluer de Paul Kagamé, l’ancien président de l’UA et actuel président du Rwanda, visant la diminution des contributions extérieures au budget de l’Union africaine… pour une meilleure indépendance et une autonomie de décision. Ces contributions sont passées de 75 % à seulement 54 % comme annoncé lors du 32ème sommet de l’UA. C’est dire aussi qu’il reste du chemin à faire, tout en restant attentif à un élément crucial de l’avenir du continent : Les aspirations de la jeunesse et surtout trouver les voies pour y répondre au mieux.