Quarante-quatre chefs d’Etats se sont réunis mardi 21 mars 2018 à Kigali (Rwanda) pour signer l’accord de création de la zone de libre-échange continentale.
A travers cet accord, les Etats africains expriment fortement leur volonté d’aller vers la mise en place à l’échelle du continent d’un marché commun où les échanges de biens et services seraient libres et la circulation des capitaux et des personnes seraient sans entraves. Autrement dit, les Etats en question visent le développement du commerce intracontinental, la transformation structurelle des économies africaines voire même leur industrialisation à travers le développement des chaînes de valeur régionales.
Pour rappel, l’Afrique compte 1,2 Md de consommateurs potentiels et représente un produit intérieur brut (PIB) d’environ 2.500 milliards de dollars américains. Les exportations africaines hors du continent portent à plus de 76% sur des produits d’extraction. Au niveau des échanges intra africains, ces exportations sont à plus de 61% non minières. Un énorme potentiel est à exploiter. D’où l’intérêt de la création d’une zone de libre-échange continentale. Comme souligné par Mouhamadu Moustapha dans une lettre publiée par OCP Policy : « Cet accord concentre ses actions sur les contraintes au commerce intra continental essentiellement du côté de l’offre ». Et d’ajouter : « Sa stratégie repose sur un ensemble de sept domaines d’actions prioritaires à savoir : la politique commerciale, la facilitation du commerce, la capacité productive, les infrastructures liées au commerce, le financement du commerce, l’information commerciale, le facteur d’intégration du marché ». Pour chacun des domaines précités, le plan prévoit des actions à mener aussi bien au niveau pays régional que continental. En signant l’accord établissant la zone de libre-échange continentale (CFTA), les 44 pays sont plus que jamais déterminés à supprimer toute entrave au commerce, qu’elle soit tarifaire (les exportations intra africaines font face à un tarif moyen de 6,1%) et non tarifaire. D’aucuns plus sceptiques s’interrogent sur l’avenir de cet accord continental sans la signature de certains pays comme l’Afrique du Sud et le Nigéria. D’après Mouhamadu Moustapha de OCP Policy, le cas de Nigéria mérite une attention particulière pour au moins deux raisons. D’abord il s’agit de la première économie du continent et membre influent de la CEDEAO. Le gouvernement nigérian invoque la non prise en compte de certains aspects importants dans le CFTA prélude à l’union douanière continentale. D’ailleurs, c’est suite aux craintes exprimées par les syndicats de travailleurs et du patronat que le président Muhammadu Buhari a annulé sa participation au sommet et décidé de retarder la signature du CFTA. Les raisons invoquées vont de l’impact d’un tel accord sur l’emploi manufacturier jusqu’aux risques de dumping. C’est dire qu’une réflexion s’avère nécessaire pour étudier l’impact d’un tel accord sur les économies des signataires potentiels. Cette évaluation d’impact pourrait être faite en collaboration avec les experts de l’organisation continentale pour permettre la comparabilité entre pays. Elle pourrait même être nécessaire pour dissuader les pays sceptiques et les encourager à l’adhésion à l’Union Africaine à Nouakchoutt en juillet 2018.
Le Nigéria en quelques chiffres:
L’accord de Kigali survient dans un contexte peu favorable dans la mesure où les premières analyses semblent montrer un recul du commerce international au Nigéria. Depuis 2014, les flux du commerce extérieur ont notablement reculé dans ce pays. Les importations ont baissé d’environ 23% entre 2014 et 2016 et les exportations d’environ 18%. Cette tendance au repli du commerce se confirme quand on observe l’évolution des échanges du Nigéria avec le reste du continent. Entre 2013 et 2014 le commerce extérieur (importations et exportations confondues) avec les autres pays du continent.