En Afrique, la période d’après pandémie Covid-19 qui suivra requiert des politiques économiques de soutien aux PME/PMI, avec un rôle important que pourraient jouer les banques centrales en utilisant l’instrument monétaire de façon plus directive. Le Maroc n’est pas en reste.
Le Covid-19 marque les esprits et impose à l’économie mondiale un ralentissement qui fait craindre les pires conséquences sur la production, les emplois et sur le futur immédiat des économies en développement. A travers le monde, les autorités budgétaires et monétaires s’engagent dans des politiques de soutien aux économies, avec en bandoulière des fonds et des initiatives inédites. Le continent africain n’est pas exclu. Touchée également par la pandémie, l’Afrique mène aussi des politiques économiques courageuses (budgétaires et monétaires). Toutefois, la principale question que se posent Mouhamadou Moustapha et Fahd Azaroual de Policy Center est de savoir les nouvelles orientations qu’il faudra donner à ces politiques économiques, une fois la pandémie maitrisée et que les mesures sanitaires (e.g. de confinement) levées ?
L’objectif même de leur contribution à travers cette analyse est d’offrir des pistes de réflexion quant aux axes prioritaires qu’il faudrait identifier dès aujourd’hui et qui éviteront au monde en développement, plus particulièrement les pays du continent africain, des tensions économiques et financières qui pourraient se traduire par une récession longue et sévère.
La situation économique à fin 2019 était des plus stable et prometteuse avec une croissance du PIB africain autour de 3,4% et des estimations à 3,9%, pour 2020, et 4,1% en 2021 selon les dernières estimations de la BAD. Une croissance (jadis) portée par le commerce extérieur mais surtout par les importants efforts d’investissement consentis par les Etats. L’investissement a participé à hauteur de la moitié dans la croissance observée sur le continent en 2019. Au niveau macroéconomique, l’environnement était relativement stable avec des niveaux d’inflation (9,2% en 2019 sur le continent) très contenus et des déficits budgétaires en nette baisse (4,8% du PIB en 2019 contre 5,9% en 2017). Les récents développements qui ont mis sens dessus sens dessous l’économie mondiale montrent à l’évidence que des menaces réelles planent comme une épée de Damoclès sur cet élan.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) rapporte plus de 375.498 cas confirmés d’infection au Covid-19, avec 16.362 pertes en vies humaines dans environ 195 pays/territoires au monde touchés. Le comble c’est que les économies les plus dynamiques (en termes de taux de croissance du PIB) du continent sont parmi les plus touchées : Ethiopie (11), Côte d’ivoire (25), Rwanda (36), Sénégal (79). Autrement dit, l’Afrique sera touchée dans son ensemble, elle le sera surtout à travers ses piliers et ses champions.
A l’instar du reste du monde, force est de constater qu’un certain nombre d’Etats africains ont annoncé des mesures d’urgence de soutien aux économies. Prenant l’exemple d’un pays comme le Maroc, des mesures économiques et sociales importantes ont été prises par le Comité de veille économique en faveur des entreprises, des salariés en arrêt de travail temporaire et des ménages vulnérables. La banque centrale du Maroc a également mis en place des mesures encourageantes pour permettre aux banques d’accompagner cette dynamique.
Etats et banques centrales ont immédiatement réagi avec des mesures visant à éviter que cette crise sanitaire ne se transforme en crash économique et financier. « Mais, au-delà de ces mesures bien nécessaires, il paraît important d’identifier, dès à présent, les leviers et politiques économiques devant accompagner les économies en développement tout au long du processus de convalescence post-crise Covid-19 », expliquent M. Moustapha et F. Azaroual. Il est d’ores et déjà admis que les secteurs productifs seront plus ou moins sévèrement touchés. Alors, quelles mesures pour une nouvelle reprise quand cette crise sera derrière nous ?
Quelle politique de relance post Covid-19 ?
Parmi les mesures préconisées pour éviter au Continent de voir sa croissance chuter à 2% contre les 3,2%, initialement prévus, nous pouvons citer les suivantes :
Rendre à la monnaie sa fonction première : une banque centrale au service du secteur réel. Les PME/TPE étant le poumon économique du continent, l’Afrique aura besoin d’une stratégie audacieuse en leur faveur. Les exemples de mesures prises par les banques centrales du continent, des interventions monétaires directes (IMD) montrent qu’elles ont toutes le souci de soutenir les secteurs privés nationaux. Les auteurs craignent le scenario qui semble se profiler à savoir qu’à la fin de la crise sanitaire, gouvernements et grandes entreprises auront des besoins importants de financement et risquent alors de capter l’essentiel des capitaux. C’est pour dire qu’un effet d’éviction est à éviter.
Autre point important est celui de la baisse massive des taux de directeur pour contrer la crise économique. A ce titre, il a été rappelé que Crise Covid-19 a la particularité, contrairement à celle des subprimes en 2008, d’avoir directement significativement impacté le secteur réel. Dès lors, la période qui suivra sera celle où le marché africain (et mondial) sera dans une situation de choc d’offre ; si le crédit est facilement accessible, le continent ne serait pas à l’abri d’un épisode sévère d’inflation et de pénurie. Autrement dit, la situation actuelle appelle une réconciliation entre l’approche keynésienne (la monnaie comme un des instruments clé permettant le retour d’une économie à l’équilibre macroéconomique) et une approche plus classique orientée vers le soutien de l’offre.
Déjà très sollicité, point de doute que la politique budgétaire sera rudement sollicitée par les États africains aussi longtemps que durera la période de combat contre la pandémie mais aussi et, surtout, pendant la période qui suivra. En plus des mesures d’aide directe aux ménages, de soutien aux entreprises dans la gestion des salaires, d’assurer le maintien à niveau des secteurs sociaux, en plus de la baisse drastique des recettes fiscales, les États auront à faire face à l’équation de la politique fiscale et de dépenses post Covid-19.
A la question de savoir les choix éventuels à effectuer en matière de dépenses publiques dans le moyen terme (post Covid-19), il semble essentiel pour le continent de maintenir voire de renforcer les importants efforts d’investissement entrepris depuis quelques années. Pour le continent dans son ensemble, la part de l’investissement dans la création de richesse augmente de plus en plus. Dès lors, arbitrer dans la politique budgétaire en défaveur des investissements pourraient entrainer un ralentissement plus sévère et durable de la croissance économique africaine, voire la replonger dans une « décennie perdue ».
Durant la période post-Covid-19, les Etats devront renforcer les budgets dédiés à la formation professionnelle et continue. Cela permettrait de maintenir un flux de main-d’œuvre compétente pour l’économie (spécialement pour les PME/PMI et IDE) mais aussi une manière plus douce de stimuler la demande sans grand risque d’un emballement de l’inflation.
Comment financer les politiques économiques postCovid-19 ?
En effet, le marché international devra être suffisamment provisionné en liquidités créant ainsi les conditions d’un accès pour les économies en développement d’un financement à un coût raisonnable. Le second levier consiste en le soutien que les banques centrales pourraient apporter aux Etats dans leurs efforts d’investissement.
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