L’annulation des contrats entre opérateurs touristiques et clients sera désormais régie par un nouveau cadre réglementaire. L’estimation du coût desdites annulations est de 1 Md de DH dont environ 50% relatives au transport aérien (RAM). Le rôle des assurances dans ce contexte se pose avec acuité.
Sans aucun doute, le secteur du tourisme sera le plus impacté par la pandémie du Covid-19. Il est également le secteur qui aura le plus du mal à remettre en marche les moteurs. La relance de ce secteur vital pour l’économie marocaine dépend malheureusement de plusieurs facteurs endogènes mais surtout exogènes. La reprise dépendra en grande partie de l’ouverture des frontières avec les principaux pays émetteurs. Et ce n’est pas pour sitôt !
Les prévisions les plus optimistes tablent sur une reprise à partir de septembre 2020. Mais comme ce virus est imprévisible et n’a toujours pas livré tous ses secrets, il est plus judicieux de prendre ces prévisions avec beaucoup de prudence.
En effet, bien que la saison estivale, l’opération Omra et Al-Hajj soient désormais compromises, les opérateurs gardent espoir sur une reprise à partir du mois de septembre.
Mais en attendant d’y voir plus clair, les opérateurs touristiques sont actuellement tracassés par un autre problème : celui des annulations des réservations effectuées avant le déclenchement de l’Etat d’urgence sanitaire.
D’après la ministre du Tourisme, l’estimation du coût desdites annulations est de 1 Md de DH dont environ 50% relatives au transport aérien (RAM) et plus de 50% relatives aux devises et la consommation en dehors du territoire.
Un montant qui risque d’être plus lourd puisque la tutelle n’a pas pu joindre une bonne partie des opérateurs pour pouvoir établir des prévisions plus exhaustives.
Pour venir à la rescousse du secteur, la ministre du Tourisme, de l’Artisanat, du Transport aérien et de l’Economie sociale a élaboré le projet de loi n° 20.30 édictant des dispositions particulières relatives aux contrats de voyages, résidences touristiques et au transport aérien des voyageurs. Un projet qui a été soumis ce lundi 11 mai à la commission sectorielle pour discussion.
Le projet en question prévoit le remboursement des clients ayant fait des réservations par une reconnaissance de dette qui prévoit un service similaire ou équivalent sans aucune augmentation de tarif.
Le projet de loi prévoit pour les agences un délai de 15 jours pour qu’elles communiquent aux clients ladite reconnaissance de dette.
Un délai de 3 mois leur sera accordé pour présenter une offre alternative au client. Ce dernier disposera, à son tour, de 15 mois pour bénéficier de l’offre. Passé ce délai, le consommateur aura le droit de récupérer son avoir et l’intégralité de la somme versée aux agences de voyages ou hôtels.
Un projet de loi à peaufiner
Bien que les parlementaires ne soient pas mis d’accord sur le principe du projet de loi, ils ont toutefois fait ressortir plusieurs zones d’ambiguïté notamment celles relatives à l’exécution de la loi, aux délais fixés, au respect des droits du consommateur mais aussi à l’interprétation de la loi par la justice en cas de litige.
Rappelons que la rupture des contrats est régie dans la législation marocaine par le Dahir formant Code des obligations et des contrats qui ne prévoit pas l’Etat d’urgence sanitaire comme raison valable pour rompre ou suspendre un contrat.
Pour contourner l’absence d’une telle disposition dans le Dahir COC, ce projet de loi offre un nouveau cadre réglementaire et juridique encadrant l’annulation des contrats à cause de l’Etat d’urgence sanitaire et la fermeture des frontières.
Nadia Fettah a précisé qu’avec cette loi, la tutelle cherche à éviter la faillite des opérateurs touristiques, à garantir les droits des consommateurs mais aussi à préserver la devise. Car une bonne partie des clients concernés par les annulations sont des étrangers qu’il faudra rembourser en devises.
Or, la situation des réserves en devises (un peu plus de 5 mois) ne permet pas une opération de remboursement qui risque d’affecter davantage le stock des devises. Rappelons que pour anticiper le risque d’épuisement des Réserves internationales nettes, le gouvernement a eu recours au 3 Mds de DH de la ligne de précaution et de liquidité.
La partie n’est pas encore gagnée
Le projet de loi a pas être adopté par la commission (Voir débat). Après 2H50 de débat, cette dernière a décidé d’apporter une série d’amendements nécessaires pour rendre le projet juridiquement plus acceptable et plus équitable en matière de respect des droits des différentes parties.
De fil en aiguille, la question du rôle des assurances dans cette crise a été soulevée avec acuité.
Le député Omar Balafrej a interpellé N. Fettah sur la raison pour laquelle la RAM, censée être assurée, ne fait pas appel à sa police d’assurance pour rembourser les clients surtout qu’environ 50% des réservations annulées, soit environ 500 MDH, la concernent. « Les contrats des assurances ne prennent pas en considération l’état de force majeure », a répondu la ministre.
Une réponse qui n’a pas convaincu le député de la FGD qui n’a manqué pas de préciser « pourquoi élaborer une loi exceptionnelle pour toucher aux droits des consommateurs et pas une loi pour les assurances ». En d’autres termes, pourquoi faire porter le chapeau uniquement au consommateur qui doit subir tout ce qu’on lui impose.
L’idée du député tend vers la nécessité d’impliquer tout le monde y compris les compagnies d’assurances dans cette situation exceptionnelle dans laquelle se retrouve le secteur et le Maroc en général. Rappelons que les compagnies d’assurance hormis la MAMDA ont brillé par leur absence à l’élan de solidarité nationale. Des mesures par ci, des mesures par là, loin de la contribution tant attendue de ce secteur.
D’après le président de la commission, il ne s’agit pas seulement de l’assurance mais aussi de la réassurance.
Or, interrogé à ce sujet, Youssef Fassi Fihri, Directeur général de la SCR explique : « 99,99% des contrats d’assurance ne couvrent pas ce type de risques qui sont des risques systémiques. Les assurances ne peuvent donc pas indemniser un risque qui n’a pas été couvert ».
Cela dit, l’intervention du secteur des assurances dans cette crise n’est pas très claire. D’autant plus qu’au Maroc bon nombre d’opérateurs souscrivent très rarement aux assurances telles que la garantie perte d’exploitation qui indemnise les professionnels assurés le temps que la situation se stabilise et revienne à la normale.
A noter qu’en France par exemple et après un bras de fer entre les assureurs et les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration sur l’indemnité dans le cadre de ladite garantie, ces derniers ont fini par obtenir gain de cause. Certaines compagnies d’assurance ont commencé à indemniser les professionnels affectés par la crise.
Pour revenir au Maroc, la ministre du tourisme a précisé que ce n’est pas le cas chez nous puisque la grande majorité des opérateurs ne souscrivent pas ce type d’assurance. « Nous travaillons actuellement sur la question afin d’y remédier à cela », a-t-elle précisé.
Ce qui est sûr c’est qu’il faudra tirer plusieurs leçons de cette pandémie, de revoir les priorités, les modes de gouvernance, ainsi que les modes de consommation.