La CGEM a émis vers la fin de la semaine dernière un manifeste centralisant ses revendications, notamment fiscales, pour le budget de l’année 2021. Des revendications ordinaires pour une situation extraordinaire.
Juste après l’émission de la lettre de cadrage du budget de l’année 2021, le cahier des doléances a été ouvert. Plusieurs opérateurs économiques vont se présenter en file indienne pour y inscrire leurs souhaits. La CGEM a ouvert le bal en émettant un document classé secret au départ, devenu un secret de polichinelle au cours du week-end dernier. La déception est si grande. Alors qu’on s’attendait que le nouveau commando prenne de la hauteur sur le plan fiscal, il nous surprend avec des remèdes de grand-mère.
Au moment où plusieurs entreprises avalent des poires d’angoisse voire trépassent, le patronat sort avec une ordonnance des plus ordinaires. Les maitres-mots du manifeste de la CGEM sont réduction et annulation.
Le document de la CGEM, après son examen, s’avère que c’est du réchauffé. Il semble que son auteur est ravitaillé par les corbeaux. Une déconnexion totale avec les changements internes au niveau des organes de gestion de la CGEM, censé apporter du nouveau, et surtout avec les nouvelles donnes de l’économie mondiale frappée de plein fouet par la COVID-19. En outre, en ne renfermant que 32 meurettes disparates, le document renseigne sur une ambition très limitée de la CGEM ou encore sur une imagination très peu ardente.
Une entité telle que la CGEM doit rompre avec la vision court-termiste. Elle doit inscrire ses ambitions dans un plan. Il est temps d’établir un schéma directeur fiscal à décliner en mesures sur un horizon bien déterminé. Le plan peut même faire l’objet d’une convention avec le gouvernement qui fixe les droits et les devoirs. Il faut finir avec le conjoncturel et épouser le structurel. Ainsi, les opérateurs économiques peuvent développer des visions et des stratégies et éviter des surprises qui peuvent mettre en péril l’économie de leurs projets.
Les mesures proposées paraissent, en théorie, belles à prendre. Que la mesure soit belle est un fait, mais n’oubliez pas de regarder le résultat. Ainsi, le patronat a omis de présenter, pour chaque mesure, une fiche décrivant les modalités de sa mise en œuvre, son intérêt pour l’économie nationale, son impact sur les dépenses fiscales et surtout prévoir un indice de mesure de performance. Ainsi, sa réussite lui confèrerait légitimité et lui assurerait perpétuité. Une telle fiche permettra de vérifier si la mesure rentre dans les cordes des pouvoirs publics. Pas besoin de sortir d’UM6P pour savoir qu’en ce moment, on ne peut faire avaler des couleuvres auxdits pouvoirs publics.
Une autre insuffisance marque le document émis par la CGEM, c’est qu’il s’est fixé sur la fiscalité cédulaire et a omis de traiter de la fiscalité des collectivités locales. Au moment où les discussions sur la régionalisation battent leur plein, le patronat reste muet comme une tome au sujet de la fiscalité desdites collectivités locales. Plusieurs entreprises remissent sous le poids de cette fiscalité qui reste patrimoniale dans son essence et ignore le niveau d’activité lors de la fixation de l’assiette. Des entreprises poussées au chômage forcé à cause de la COVID-19, n’ont pas vu leurs dus fiscaux s’atténuer à juste motif. La CGEM doit lutter bec et ongles contre cette injustice qui suce le sang des opérateurs économiques.
Le document de la CGEM se démarque également par l’absence de mesures fiscales sectorielles. En effet, la COVID-19 n’a pas été clémente avec l’économie nationale mais n’a pas impacté les secteurs dans les mêmes proportions. On aurait dû réfléchir à une fiscalité appropriée, même momentanée, pour mettre du baume au cœur des secteurs les plus sinistrés. En outre, il ne faut pas omettre qu’en période de morosité, on peut et on doit investir dans l’innovation et le perfectionnement. Il était judicieux de prévoir des mesures incitatives pour le secteur des nouvelles technologies. Il était également attendu de penser à des mesures favorables aux industries de substitution des importations.
Une grande question se pose qu’à la méthodologie retenue pour arrêter sa liste de revendications fiscales. Il ne suffit pas de râteler les propositions auprès des différentes fédérations et les centraliser sur un support unique. il est temps de procéder à une étude approfondie de la question. une étude qui évalue le présent, se projette dans l’avenir, tient compte des opportunités et des menaces et répond aux attentes de l’ensemble.