Le ciblage social universel aurait été d’un grand secours pour l’Exécutif en ces temps de pandémie pour une efficience de l’aide directe aux populations les plus démunies. Or, le Registre social unique, démarré il y a bientôt deux ans, est toujours au stade de projet alors que le Registre national de la population n’a toujours pas de cadre réglementaire.
Tous les regards étaient suspendus aux lèvres du ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun, ce jeudi 19 mars pour s’enquérir des mesures prises à l’issue de la deuxième réunion du Comité de veille économique tenue le jour même.
Il en ressort clairement que le gouvernement a décidé de commencer par les secteurs structurés et les personnes déjà identifiées notamment par la sécurité sociale.
Quid des personnes non affiliées à la CNSS et qui travaillent dans l’informel ? Quid des démunis ? Le ministre informe que la troisième réunion du Comité de veille du 23 mars y sera consacrée pour examiner une nouvelle série de mesures.
La question qui se pose d’emblée est comment ces mesures profiteront-elles aux populations ciblées ?
C’est là où le bât blesse. C’est là où l’Exécutif devra faire avec l’existant. En effet, il a été annoncé fin 2018 que l’expérience pilote du Registre national de la population (RNP) sera lancée en 2019 au niveau de la région Rabat-Salé-Kénitra, avant d’être généralisée lors de la période allant de février 2020 à mai 2024.
Or, il s’avère que la tâche a été plus ardue que prévu de l’aveu même du ministère de l’Intérieur. Les poches de résistances sont d’ailleurs multiples y compris certains partis et syndicats.
Alors que la première phase, de création d’un environnement institutionnel et réglementaire favorable et de développement des outils d’authentification, devait être bouclée en 2019, ce n’est qu’en février 2020 que le ministère présentait le Projet de loi 72.18 relatif au dispositif de ciblage des bénéficiaires des programmes d’appui social et portant création de l’Agence nationale des registres. Lequel projet qui devait être débattu durant la prochaine session du printemps. Donc, le nouveau mécanisme juridique permettant de rehausser l’efficacité du dispositif de gestion de l’appui social, en traitant numériquement les données à caractère personnel de l’ensemble de la population sur le territoire national, y compris les mineurs et les nouveau-nés ainsi que les étrangers résidents au Maroc n’existe pas.
Guère mieux du côté du Registre Social Unique, deuxième pilier de cette nouvelle politique qui tend à rendre plus efficiente la gestion des programmes de protection sociale (140 programmes) en évitant les chevauchements et en réduisant les intervenants. Rappelons dans ce sillage, qu’en 2018, le Maroc avait sollicité l’appui de la Banque mondiale pour la mise en place de ce système de ciblage universel des ménages pour fournir un point d’entrée unique.
Face à ce constat dépitant, s’agira-t-il pour le gouvernement de passer par les circuits existants (différents programmes et fonds de cohésion sociale) ?
Ou bien fera-t-il preuve d’ingéniosité pour forcer cette réforme afin que tout soit géré au niveau du Fonds spécial créé sur ordre royal le 15 mars ? Mais est-ce réalisable dans le contexte actuel ?
Autant de questions qui appellent à revoir les priorités du pays, notamment sociales qui replacent l’humain en haut de la pyramide des politiques publiques. Un changement de paradigme par la force des choses. Ce Covid-19 a montré par la preuve du terrain que ce retard enregistré aura un coût social, économique et politique. Et ce qui n’a pas été fait dans la douceur se fera désormais dans la douleur. L’Etat sera appelé à faire un effort surhumain pour que les mesures qui seront prises ce 23 mars soient mises en œuvre rapidement et efficacement au profit des populations impactées par les effets désastreux de la pandémie.