Le secteur bancaire est sur le qui-vive. La crise sanitaire n’a pas encore dit son dernier mot et en trois mois seulement, elle a mis quelques voyants au rouge. Notamment le coût du risque qui n’est pas prêt à se rétracter.
Très sollicitées dans ce contexte de crise économique, les banques ont pu constater l’effet néfaste (en trois mois seulement) du Coronavirus sur leurs performances financières au deuxième trimestre 2020, ce qui a, par ricochet, déteint sur leurs résultats semestriels 2020. Il est attendu un pic historique de créances en souffrance.
Il faut dire que durant ces six mois, il s’est passé bien des choses. En début d’année, le secteur était partie prenante dans le lancement du programme Intelaka.
Mais rapidement de l’espoir de booster la croissance, l’économie passe en mode survie, entraînant une pression sur le secteur bancaire.
Dès le déclenchement de la crise, le secteur, qui prend part aux travaux du Comité de veille économique, a été sollicité pour mettre en place plusieurs mesures notamment le report de crédit. Une mesure qui a immédiatement fait crouler le secteur sous les demandes (400.000 en moins de deux semaines dès le démarrage de l’opération concernant les mois d’avril, mai et juin).
Le régulateur, qui n’a cessé d’intervenir sur le marché pour répondre aux besoins en liquidités bancaires, a annoncé la couleur dès le conseil de fin mars en dévoilant une batterie de mesures monétaires et prudentielles à même pour renforcer les capacités de refinancement des établissements de crédit afin d’accompagner les entreprises et les ménages face à l’onde de choc provoquée par le Coronavirus.
Certes, dans l’ensemble le secteur tire son épingle du jeu, mais le pire n’est pas derrière nous, ce qui accroît la vigilance surtout concernant certains agrégats dont les voyants sont au rouge.
Notamment le coût du risque dont la tendance à la détérioration est quasi-générale à toutes les banques. Et ce n’est pas prêt à s’améliorer parce que le secteur bancaire doit poursuivre l’effort de financement.
D’autant que sur les 120 Mds de DH du programme de relance, annoncé en août, 75 Mds de DH seront sous forme de crédits bancaires garantis par l’Etat.
Mais aussi, rien n’exclut également que le CVE ne décide de prolonger le report de crédit pour les entreprises et les ménages issus de secteurs sinistrés comme le tourisme par exemple.
Autant dire que la tendance d’aggravation du coût de risque dans le secteur se poursuivra voire s’intensifiera pour le deuxième semestre, comme le prévoit Attijariwafa bank (dont le Conseil d’administration se réunit le 22 septembre 2020), qui s’attend à ce que cette détérioration significative concerne toute l’année 2020.
Pis, Lotfi Sekkat, le PDG de CIH Bank, dont le coût du risque a cru de 144,6%, estime que le retour à un niveau normal devra s’opérer entre 2022 et 2024 sous le double effet d’une reprise économique entre 2021 et 2022 (2023-2024 pour les secteurs les plus souffrants) et d’une poursuite du financement de l’économie aussi bien à travers les produits garantis par l’Etat que les autres produits dont le crédit trésorerie, le crédit promotion des entreprises et le crédit équipement. D’autant qu’il n’y aura pas un effet de compensation pour le deuxième semestre, ajoute-t-il. Bien que la banque ne prévoie pas un renforcement de ses fonds propres, le management suit de très près l’évolution de la situation économique.
Des banques comme Société Générale Maroc a vu son coût du risque presque tripler passant à 657 MDH, BMCI a vu son coût de risque consolidé augmenter de 182,2%.
La situation diffère pour la BCP, en tant que banque d’importance systémique pour le secteur financier et bancaire, qui en cohérence avec la politique prudente de provisionnement, a vu son coût de risque consolidé se renforcer sensiblement à 3 Mds de DH intégrant notamment les provisions IFRS « Forward looking ».
Globalement le secteur reste très attentif mais des professionnels commencent à s’impatienter de voir les prémices de la reprise économique. Une reprise qui reste tributaire du plan de relance qui n’est pas encore mis en œuvre dans son intégralité.
Une incertitude accentuée par la détérioration de la situation épidémiologique qui laisse planer le risque de reconfinement.
À l’inverse de la crise des subprimes, où la crise financière a provoqué une crise économique, tout le défi aussi bien pour le régulateur que pour les opérateurs du secteur est d’éviter qu’une crise économique ne provoque une crise financière en continuant à financer une relance hypothécaire (hypothéquée).