La loi réglementant le commerce des boissons alcooliques ou alcoolisées est caduque mais pas uniquement pour les griefs relayés par les propriétaires de débits de boisson. En effet, il y a un volet occulté dans ce débat qui fait régulièrement surface : Celui de la protection des mineurs.
L’Arrêté du directeur général du cabinet royal n° 3-177-66 du 17 juillet 1967 réglementant le commerce des boissons alcooliques ou alcoolisées fait régulièrement les choux gras de la presse marocaine. D’abord, c’est un texte ancien qui ne suit plus et les évolutions de la législation marocaine, la Constitution en tête, et les évolutions des comportements dans la société marocaine. Cela va sans dire que la taxation de cette activité mérite d’être revue.
Récemment, ce décret a été sorti encore une fois de sa tanière suite à la transmission des doléances de l’association Atlas des propriétaires de débits de boissons alcoolisées à Casablanca au président du groupe parlementaire de l’USFP.
Dans ce cahier revendicatif figurent plusieurs griefs notamment les conditions imposées aux détenteurs de la licence comme la présence permanente dans le lieu de débit ou l’obligation de s’associer à un gérant, les autorisations exigées pour les travailleurs de sexe féminin… Et comme chacun prêche pour sa paroisse, personne ne soulève la question de protection des mineurs aux dangers de consommation d’alcool. Ledit arrêté consacre trois articles à cette question et qui sont sujettes à controverse en matière de protection juridique et sociale de l’enfant au moins pour deux points : la majorité et les montants des amendes.
En effet dans l’article 29 de l’arrêté, il est stipulé qu’« Il est interdit de recevoir dans les débits de boissons des mineurs de 16 ans qui ne sont pas accompagnés de leur père, mère ou de toute personne majeure ou ayant la charge ». Or, la majorité au Maroc est fixée à 18 ans.
Le plus dérisoire encore est l’amende appliquée aux infractions aux dispositions précédentes. Elle est de 24 à 360 dirhams. Peut-être que ça chiffrait à l’époque, mais aujourd’hui un tel niveau d’amende n’est nullement dissuasif.
Même constat pour l’article 30 qui dispose : Il est interdit à tout exploitant d’un établissement soumis à licence de vendre ou d’offrir gratuitement des boissons alcooliques ou alcoolisées à des mineurs de 16 ans.
Les infractions aux dispositions de l’alinéa précédent sont punies de l’emprisonnement d’un à deux mois et d’une amende de 24 à 360 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement.
Dans l’article 31, il est stipulé : Est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 100 à 1.000 dirhams quiconque a fait boire jusqu’à l’ivresse un mineur de 16 ans. En cas de récidive, ces peines peuvent être portées au double.
Là encore que ce soit l’âge de 16 ans ou les amendes posent un sérieux problème lorsqu’on est soucieux du bien-être des enfants surtout pour un pays signataire de la convention internationale des droits des enfants.
Alors que cet arrêté ressemble comme deux gouttes d’eau au Code français de la santé publique sur les jeunes et l’alcool, il ne fait nulle mention à l’interdiction de remettre, distribuer ou envoyer à des mineurs des documents ou objets nommant ou représentant une boisson alcoolique.
Sortir le prétexte que la vente et la consommation sont interdites aux musulmans serait véritablement tenter de noyer le poisson… dans un verre de vin. Une loi doit prévoir tous les gardes fous possibles en faveur des enfants quelle que soit leur confession. D’ailleurs, actuellement, dans le cadre de la souveraineté législative et réglementaire, le Maroc devrait-il se débarrasser des reliquats hérités du protectorat français. Il est absurde que certaines lois toujours en vigueur fassent mention du franc français !
Aujourd’hui, si les propriétaires des débits de boissons ne font pas référence à ce volet dans leur cahier revendicatif, il faut croire que cela ne relève pas de leur responsabilité. D’abord, nous avons un ministère dédié qui doit vérifier que toutes les lois aussi vieilles soient-elles respectent la dimension de protection sociale et juridique des enfants. On n’a qu’à prendre de la graine des Etats-Unis, qui ne badinent pas avec la protection des enfants, où une nouvelle loi interdisant la vente de produits du tabac à toute personne de moins de 21 ans est entrée en vigueur comme vient de l’annoncer l’agence fédérale chargé de l’alimentation et des médicaments (FDA).
Puis, la société civile qui se targue de défendre l’enfance, doit plancher sur les lois qui ne sont pas conformes à l’esprit de protection des mineurs.
Voilà autant de raisons d’avoir la gueule de bois rien qu’en lisant cet arrêté à la lumière de notre contexte actuel !
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