Les chiffres dévoilés récemment par l’équipe de Lahlimi à l’occasion de la présentation du Budget exploratoire 2020 interpellent à plusieurs titres. Ce budget est de nature à permettre aux pouvoirs publics et aux opérateurs économiques de tâter le pouls de l’évolution économique prévisible en 2020. Toutefois avant de se pencher sur le prochain exercice, il est important de décrypter les principaux indicateurs de 2019 qui nous laissent perplexes face à leur rigidité pour ne citer que le déficit de la balance commerciale, le taux d’endettement, le besoin de financement.
Ce dernier indicateur synonyme du gap entre l’investissement et l’épargne nationale met en exergue l’effritement de l’épargne face à des besoins de plus en plus croissants de la population. Du coup, partager le même gâteau (l’épargne) entre une population en forte augmentation conduit à donner des petites parts à tout un chacun. C’est l’origine même de la non -inclusion sociale sur laquelle le Souverain attire l’attention à l’occasion de chaque discours. Il est l’origine même de la refonte du modèle économique qui occupe aujourd’hui le devant de la scène.
Faiblesse du pouvoir d’achat, manque d’incitations fiscales, offre inadaptée et insuffisante… autant d’écueils qui entravent la mobilisation de l’épargne. On ne cessera jamais de le dire, au Maroc l’épargne est souvent liquide et majoritairement à court terme.
Si auparavant, l’épargne dépassait l’investissement, la tendance s’inverse aujourd’hui au grand dam de la population notamment la plus vulnérable. Depuis pratiquement 2008, le taux d’épargne a commencé à baisser par rapport à l’investissement à telle enseigne que certains économistes dans leurs analyses pointent du doigt la surchauffe de l’investissement (infrastructures, ports…) qu’ils qualifient de peu créateur de richesses à court et moyen terme. D’aucuns considèrent que le Maroc est dans une phase d’équipement et de modernisation et ne peut donc réduire le rythme de son investissement. Face aux paradoxes et aux incohérences de la réalité économique, le clivage persiste.
Quid de l’année 2019 ?
Il ressort des derniers chiffres publiés par le Haut Commissariat au Plan que l’année 2019 connaitrait un accroissement du produit intérieur brut aux prix courants de 3,5% au lieu de 4,1% en 2018 et par une hausse de la consommation finale nationale de 4%. De ce fait, le taux d’épargne intérieure serait en baisse, en passant de 23% en 2018 à 22,6% du PIB. Compte tenu du niveau des revenus nets en provenance du reste du monde, qui devraient représenter 4,7% du PIB, l’épargne nationale connaitrait, ainsi une baisse, passant de 27,6% du PIB en 2018 à près de 27,3% en 2019. Cependant, cette épargne resterait inférieure à l’investissement brut qui serait en recul, passant de 33,5% du PIB en 2018 à 32,6% en 2019. Ainsi, le gap de financement entre l’investissement et l’épargne nationale serait de 5,3% en 2019 (vs 5,9% en 2018), soit une légère amélioration. En 2020, il est prévu un besoin de financement de 4,9%.
Les derniers chiffres publiés par le HCP suite à la dernière enquête sur l’Indice de confiance des ménages n’augurent rien de bon. Ils révèlent par ailleurs qu’au deuxième trimestre de 2019, 16,7% contre 83,3% des ménages s’attendent à épargner au cours des 12 prochains mois. « Le solde d’opinion relatif à cet indicateur est resté négatif, à moins 66,6 points, en dégradation aussi bien par rapport au trimestre précédant que par rapport à une année auparavant où il était à moins 63 points et à moins 57,9 points respectivement », fait savoir la même enquête.
A une décennie de l’échéance 2030, date de réalisation des Objectifs de développement durable, le Maroc ne peut lever le pied sur l’investissement tellement il est attendu sur plusieurs chantiers et réalisations. Nonobstant, il est impératif de veiller à améliorer la qualité de l’investissement public et privé.
Si donc il y a un effort à déployer, c’est justement au niveau de l’épargne nationale qu’il faut placer le curseur.
Le but ultime serait d’encourager les Marocains à utiliser les services financiers et à mettre leur épargne au service de l’économie. Encore faut-il que les opérateurs financiers innovent et conçoivent des produits adaptés aux besoins et aux revenus de la population.
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