A quelques jours de la date du déconfinement, il est temps de dresser un bilan de l’impact de la pandémie sur le secteur du textile qui a joué un rôle important dans la gestion de la crise notamment dans la fabrication des masques. L’équipe EcoActu.ma s’est entretenue en exclusivité avec les membres du bureau de l’Association Marocaine des Industries du Textile et de l’Habillement (AMITH) qui s’apprête à écouler le stock des masques en tissu ( en plus) à l’étranger. Détails.
Depuis le 1er juin, la roue de l’économie commence à tourner. En mode ralenti certes, mais les machines ont été mises en marche dans des conditions très particulières notamment dans l’industrie où la vigilance est de mise.
Une relance dans la douleur pour la grande majorité des secteurs qui n’ont toujours pas mesuré l’ampleur des dégâts. Mais il va bien falloir se retrousser les manches et faire preuve de résilience et de capacité à s’adapter à une conjoncture exceptionnelle et inédite. Le chemin est certes semé d’embûches mais rien n’est impossible. Le Maroc a d’ailleurs montré et démontré qu’il était en mesure de relever les défis. Sa gestion de la crise sanitaire lui a permis de se démarquer à l’échelle internationale. « Quand on veut, on peut », comme dit l’adage.
Dans cette crise sanitaire sans précédent, la gestion et la disponibilité des masques a été le clou du spectacle à l’échelle mondiale. Et pourtant, le Maroc a bien su la gérer grâce à une mobilisation de tous les maillons de la chaîne. Ça n’empêche que l’affaire des masques a fait couler beaucoup d’encre, soulevé des polémiques, créé quelques tensions et accaparé, pendant longtemps, la scène médiatique.
Rappelons au passage que Moulay Hafid Elalamy, s’était prêté au jeu des questions/réponses devant la commission parlementaire le 28 avril pour lever le voile sur toutes les informations qui ont été véhiculées à tort ou à raison depuis le début de l’opération.
Faut-il rappeler qu’en vue de mieux cerner la propagation de la pandémie, un effort considérable a été déployé pour sécuriser l’approvisionnement du marché national en masques au moment où le marché mondial des masques souffrait d’une grande pénurie.
Il faut dire que le Textile-Habillement, l’un des secteurs les plus frappés par cette crise, a montré qu’il était en mesure de s’adapter et de repositionner son activité pour subvenir aux besoins prioritaires du Maroc en matière de matériel sanitaire (masques, blouses…). C’est un signal fort qu’il a certes envoyé à la communauté internationale mais sur lequel doit-il capitaliser pour se positionner dans l’échiquier mondial.
Aujourd’hui, et à quelques jours de la date du déconfinement, il est temps de dresser un bilan de l’impact de la pandémie sur le secteur, de s’arrêter sur les leçons à tirer de cette crise, de faire le point sur la disponibilité des équipements de protection individuelle…
Pour cela, l’équipe EcoActu.ma s’est entretenue en exclusivité avec les membres du bureau de l’Association Marocaine des Industries du Textile et de l’Habillement (AMITH) ce mercredi 3 juin. Une rencontre qui se tient en marge de la réunion que le ministre de l’Industrie Moulay Hafid Elalamy a tenue avec le bureau le lundi 1er juin sur la relance du secteur et son repositionnement à l’échelle mondiale.
Malgré le manque de visibilité sur la reprise et les contraintes auxquelles les opérateurs devront faire face, les membres de l’AMITH se disent être optimistes et espèrent que le secteur pourra rapidement sortir la tête de l’eau.
« Face à cette situation exceptionnelle et inédite, le secteur a dû s’acclimater en permanence avec les nouvelles donnes imposées par l’évolution de la pandémie et, par conséquent, répondre aux instructions de notre ministère de manière continue et tout cela avec une célérité très vive », nous a confié le Président de l’AMITH, Mohamed Boubouh.
Ce dernier n’a pas manqué de reconnaître qu’en raison de l’urgence et de la précipitation, de même que le devoir de réactivité et la vitesse de traitement ont occasionné certaines maladresses, qui à leur tour, ont généré certaines incompréhensions et frustrations. Mais ce qui est sûr c’est que les industriels du secteur se sont adaptés pour répondre non seulement à une demande nationale mais également internationale.
« Nous avons été reçus par le ministre de l’Industrie et du Commerce qui a félicité notre secteur pour sa mobilisation dans un délai très court. Une mobilisation qui nous a permis de répondre aux hautes instructions de SM le Roi afin d’adapter notre outil industriel et mettre à la disposition des citoyens marocains des masques en tissu en quantité suffisante », a précisé Mohamed Boubouh.
En effet, grâce à cette mobilisation le secteur du textile a pu produire plus de 33 millions de masques en tissus réutilisables en un temps record. Ce qui a permis non seulement de répondre au besoin national mais également de se diriger vers l’export. D’aprés l’AMITH, les entreprises détiennent aujourd’hui un stock de masques important de plus de 26 millions qu’ils souhaitent désormais écouler.
La question est de savoir s’il est possible aujourd’hui d’exporter ? La Réponse est oui. Le ministre avait même affirmé devant la commission parlementaire : « le problème des masques ne se pose plus au niveau national. Toutefois, nous aurons à gérer un autre problème celui de l’excédent des masques. C’est pourquoi nous allons autoriser l’export de quantité de masques ».
Pour aider les industriels à écouler les stocks de masques, MHE a donné ses directives pour la mise en place d’une commission conjointe qui comporte le ministère de l’Industrie et du Commerce, l’Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE) et AMITH.
« L’objectif de cette commission est de promouvoir les exportations de masques et autres équipements de protection individuelle. Il a donc été décidé de lancer une plateforme de mise en relation entre industriels marocains et acheteurs internationaux, d’intensifier la promotion dans les marchés cibles à travers des relais locaux et de communiquer davantage sur la disponibilité des masques au Maroc », nous a dévoilé Mohamed Boubouh.
Quelles leçons à tirer de cette crise ?
Cette pandémie a été l’occasion pour le secteur du textile de revoir ses cartes et de mettre le curseur là où il faut pour renforcer sa compétitivité et sa notoriété à l’échelle mondiale. Encore faut-il reconnaître que les leçons tirées du Covid serviront à redorer le blason du textile marocain et de pouvoir se forger une place dans la cour des grands.
Dans ce sillage, Nabil Tazi, Président de la Commission Communication de l’AMITH a rappelé les défis que le secteur devra relever dans le futur.
« Certes le secteur a répondu à l’appel du pays pour subvenir aux besoins en masques grâce à une réelle symbiose entre tous les acteurs de l’amont, les confectionneurs, les laboratoires…
Toutefois, nous devons aujourd’hui nous projeter tous ensemble et nous focaliser sur les enjeux majeurs qui attendent notre secteur dans la phase Post-Covid entachée par de nombreuses incertitudes et un manque de visibilité accru », a-t-il précisé.
Et d’ajouter « le niveau des commandes à l’export est mitigé en fonction du type de clientèle. Concernant le marché local, on ignore le niveau de la demande à la reprise et l’impact du pouvoir d’achat. Il faudrait réactiver les dossiers des ALE après la crise Covid-19 afin de permettre aux opérateurs nationaux de se réapproprier leur marché local ».
Sans doute et dans la conjoncture actuelle, le relance se fera sous des conditions sanitaires contraignantes et financièrement lourdes à supporter tient à rappeler l’AMITH.
« La fragilité de la santé financière des entreprises qui ont du mal à bénéficier des relais et supports financiers, l’accompagnement des entreprises s’impose comme une des priorités. Il faut donc tendre vers une réduction des contraintes en matière d’octroi des crédits », plaide Nabil Tazi.
L’importance de l’amont pour la verticalité et l’indépendance du secteur devient une des priorités à soutenir. « L’expérience des EPI et la dynamique fraîchement vécue nous interpelle tous quant à la valorisation de l’amont dans toute stratégie industrielle et son importance pour une intégration totale », rajoute-t-il.
Moralité de l’histoire est de bien saisir les opportunités qu’offre la pandémie aujourd’hui au secteur. Et comme dit le proverbe « les problèmes sont le déguisement préféré de l’opportunité ». Autant la saisir.