En puisant sa réflexion dans les limites de l’actuel modèle de développement économique, le Conseil économique social et environnemental préconise des recommandations pouvant constituer la base de sa contribution aux prochaines assises de la fiscalité.
Dans un récent rapport, le Conseil économique social et environnemental a exposé la manière d’appréhender la matière fiscale au Maroc, tant sur le plan de la conception de la politique fiscale, de sa gouvernance que de sa mise en pratique. Les travaux menés par le Conseil ont puisé dans les constats forts et les limités du modèle économique de développement actuel qui fait objet de débat dans la sphère économique pour aboutir in fine à un Nouveau Modèle de Développement, capable de faire sortir le Maroc d’une situation qui pèse lourdement sur les générations actuelles et n’offre pas suffisamment les perspectives auxquelles ont droit les générations futures. En effet, il est suggéré que ce travail de réflexion puisse constituer la base de la contribution du CESE aux Assises sur la fiscalité qui se tiendront les 3 et 4 mai 2019.
La réflexion menée par le CESE s’inscrit dans la nécessité d’aboutir à une réforme progressive à même de répondre à l’impératif de cohérence, d’équité et d’efficience. Tout en capitalisant sur les trois principaux piliers du système fiscal actuel à savoir l’IR, l’IS et la TVA et en évitant les biais et distorsions qui ont été introduits à l’occasion des multiples réformes et qui malheureusement ont biaisé la cohérence d’ensemble, le CESE souhaite aboutir à une vision plus globale. Dans ladite vision, la dimension sociale est appréhendée comme un socle important de la démarche. Il ne s’agit nullement d’une conséquence mais une de ses éléments fondateurs.
En effet, le nombre des impôts et taxes au Maroc, pour ce qui relève du national, ne s’écarte pas trop des normes et pratiques à l’international, leur efficience et leur efficacité milite en faveur d’une analyse approfondie pour une simplification, si ce n’est par la réduction du nombre, par la clarification et l’unification des bases et des modes de calcul. Nonobstant, pour ce qui concerne la fiscalité locale, une importante réduction de taxes locales est nécessaire.
Aussi, il est à noter que la majorité des recettes fiscales au Maroc proviennent des impôts et taxes prévus par le Code général des impôts, des droits de douane et de la TIC et enfin de la taxe professionnelle, taxe d’habitation et taxe de services communaux. C’est pour dire que le cadre fiscal actuellement en vigueur au Maroc ne couvre pas certaines catégories d’impôts et taxes appliqués dans d’autres pays, tels que différentes formes d’impôt sur le patrimoine (fortune, succession, …), ou encore des impôts de solidarité sociale et des impôts à dimension écologique.
Ajoutons à cela qu’une partie non négligeable de l’économie continue à se développer totalement ou en partie dans l’informel, faisant perdre d’importantes recettes fiscales mais aussi sociales aux caisses de l’Etat. A ce titre, il est utile de rappeler que les recettes fiscales constituent la principale source de financement du budget général de l’Etat.
Dans le présent rapport, l’analyse des recettes fiscales montre qu’à fin 2017, les recettes de la TVA constituent le poste le plus important des recettes fiscales. Pis encore, dans ces recettes, les impôts indirects représentent la part prépondérante, avec une TVA qui en constitue la part la plus importante, soit 81,3 Mds de DH à fin 2017. Il faut également noter la prédominance de la TVA à l’importation par rapport à la TVA à l’intérieur, une prépondérance qui s’est renforcée au fil du temps. Cette situation est d’ailleurs pointée du doigt par bon nombre d’économistes. Elle traduit nos importations massives et la forte dépendance de l’extérieur.
En matière de dépenses fiscales, l’analyse par nature de bénéficiaires laisse apparaitre leur part importante au profit des entreprises et des ménages, la somme de ces deux composantes constituant pour l’année 2017, à titre d’exemple, près de 70% des dépenses fiscales. Une tendance qui s’est installée dans le temps.
Les dépenses fiscales, qu’elles soutiennent les entreprises ou les ménages, soulèvent une problématique de ‘ciblage’ des bénéficiaires, de laquelle découle, en plus des déperditions de moyens financiers de l’Etat, le renforcement du sentiment d’iniquité et de domination de la rente. En somme, les principaux secteurs bénéficiaires des dépenses fiscales, les activités immobilières, l’agriculture, les exportations, l’industrie automobile sont situés dans le top 5.
L’analyse sectorielle fait ressortir qu’en fonction du nombre de mesures recensées, le secteur de la santé et de l’action sociale s’érige comme étant le principal secteur d’activité bénéficiant des dépenses fiscales, suivi de ceux relatifs aux activités immobilières, de l’intermédiation financière, de l’agriculture et la pêche, les Régions et enfin, le secteur du transport.
En fonction des montants alloués : de la même façon, de l’analyse approfondie des chiffres portant sur l’évolution des dépenses fiscales dans leur composante ‘montants alloués’, il est à relever la prédominance des dérogations au profit des activités immobilières qui se classent en premier en tant que secteur bénéficiaire des dépenses fiscales, suivi de ceux relatifs à l’agriculture et la pêche, aux services publics, à la prévoyance sociale et enfin, à l’électricité, le pétrole et le gaz.
Loin de là la suppression des dérogations fiscales, mais la révision des conditions d’incitations à l’investissement pour éviter les effets rente et d’éviction est aujourd’hui essentielle. Il est donc exigé la remise à plat, de manière globale, des dérogations, niches rentières et dépenses fiscales, voire l’abandon de certaines d’entre elles, sauf pour celles qui assurent une meilleure production de valeur ajoutée pérenne et structurante pour l’économie nationale, une création d’emplois. Mais encore une fois, sans alimenter de nouvelles formes de rente, ni présenter des effets d’éviction sur des pans de l’économie nationale.
Voir également : [Web TV] Les principes fondateurs des prochaines assises de la fiscalité selon Mohamed Berrada