Si la firme est considérée comme un sous ensemble du système économique capitaliste dont les fondements sont entre autres l’entreprise privée, alors la tragédie tangéroise du 8 février 2021 qui s’est traduite par le décès de 28 employés d’une unité de textile illégale est sans doute, l’occasion de faire du sujet de la responsabilité sociétale de l’entreprise, un thème actuel de débat académique et public.
Alors que la loi 65-99 relative au Code du travail et son titre IV du livre II réglementent effectivement la question de l’hygiène et de la sécurité des salariés, l’irréparable semble être advenu dans un contexte professionnel peu regardant non seulement aux dispositifs juridiques, mais encore moins à ceux du management sociétalement responsable de l’entreprise.
Dans ce cas de figure, l’entreprise tangéroise semble avoir non seulement failli à ses obligations légales sur le plan social mais plus encore, être dans la méconnaissance de ce qui est aujourd’hui plus qu’un concept, mais une pratique de responsabilité sociétale.
Celle – ci est internationalement normée par l’ISO 26000/2010 qui a été repris intégralement au Maroc.
Pour éclaircissement, il s’agit d’un processus d’amélioration du mode managérial de la firme, déployé volontairement par cette dernière dans l’objectif d’un modèle d’entreprise proactive.
A la croisée des paradigmes éthiques et économiques, la notion de responsabilité sociétale se veut alors un appel à un engagement volontaire de la part des organisations pour un modèle d’entreprise citoyenne répondant aux besoins de l’ensemble de ses parties prenantes. D’ailleurs, l’économiste américain Ed Freeman prône bien un « modèle de gouvernance négocié » basé sur une responsabilité partagée de la firme au niveau de toutes ses fonctions.
Ainsi, selon le domaine d’action 4 de la norme en question, une des mesures sociales est – elle de garantir l’hygiène et la sécurité au travail. Et ce, pour maintenir le degré le plus élevé de bien – être physique, mental et social des collaborateurs dans un contexte d’adaptation de l’environnement de travail à leurs besoins physiologiques et psychologiques.
Aussi, les outils du management sociétalement responsable sont supposés détecter les risques éventuels sur les lieux de travail, et mettre en place des actions adaptées permettant de renforcer la motivation, et la confiance des équipes.
En conséquent, l’approche managériale de la responsabilité sociétale se positionne en rupture avec les paradigmes et pratiques du management traditionnel enraciné dans une logique hiérarchique et pyramidale synonyme de discipline, d’obéissance et de spécialisation.
A l’opposé, l’innovation managériale porte aujourd’hui sur la recherche de conditions de qualité de vie au travail accentuée par la crise sanitaire du Covid19 ayant bouleversé le fonctionnement de l’entreprise.
En effet, la firme étant à l’écoute de la société qui est à la recherche de davantage de liberté et de bien – être, son agilité déterminera désormais sa performance.
Cependant, le constat est de souligner la réalité de certaines entreprises aux antipodes de l’innovation managériale.
En effet, éloignée de toute culture de responsabilité sociétale, la non considération de la firme tangéroise de ses devoirs sociaux vis-à-vis de ses parties prenantes souligne bien une gouvernance peu ou davantage, nullement transparente.
En tous les cas, l’Appel Royal à la Responsabilité Sociétale des Entreprises ne laisse point ce champ doublement analytique et normatif en suspens…. Car il précise : « Il convient de mettre en place de nouveaux mécanismes susceptibles de renforcer la contribution du secteur privé dans le social…. Cette contribution doit se faire aussi bien dans le cadre de la Responsabilité Sociétale des Entreprises… » (Discours Royal du 12 octobre 2018 au Parlement).
Pouvons – nous alors escompter, que dans le cadre de l’implémentation d’un nouveau modèle de développement, un mode de management sociétalement responsable puisse devenir une valeur effective du dispositif stratégique de l’entreprise ?
Par Dr JIHANE BAKKALI ENSEIGNANTE-CHERCHEUR UNIVERSITE ABDELMALEK ESSAADI