Les Assises de la fiscalité : Act 3 s’approchent à grands pas. Les opérateurs économiques et techniciens de la fiscalité travaillent comme de beaux diables pour marquer les esprits. Leur convoitise n’a pas de limite. Elle va de la réduction à l’abolition de l’impôt. Les recommandations sont multiples et dire que nos concitoyens manquent d’imagination.
Les assises de la fiscalité : la guerre des recommandations
L’acharnement de ces entités sur le portefeuille de l’Etat n’emmènera pas certainement l’argentier du pays à quitter certains de ses camps du moins facilement.
Sous la casquette du machiavélisme, les pleurnichards omettent que la fiscalité est l’aliment du budget. Se passer de cette manne de manière substantive mettra en péril toutes les politiques de l’Etat ô combien, nombreuses. Devant la rareté de la ressource, toutes les ambitions s’estompent.
Il ne faut pas oublier que l’Etat est le premier acheteur du pays. La révision de son train de vie se traduira nécessairement de manière négative sur les opérateurs économiques. Le couple recette-dépense peut cohabiter si l’Etat abandonne sa méthode qui puise sa substance de l’école classique. En effet, les recettes ne doivent plus être arrêtées en fonction des dépenses. Ces dernières doivent être optimisées. Pour y parvenir la révision du cadre juridique et des règles de gouvernance s’impose. Les feux de l’actualité ne doivent pas occulter les progrès majeurs réalisés même si beaucoup reste à faire.
Si certains ont segmenté leurs doléances sous des thématiques différentes, d’autres les ont balancées sans se soucier de l’impératif de l’évaluation d’impact, d’intégration voire de l’intérêt général. Ce dernier doit primer de toute manière.
Faute à l’impôt !
Plusieurs sont ceux qui imputent leur défaillance à la pression fiscale. Ils escomptent l’amélioration d’une compétitivité en agissant sur la variable fiscale. De toute évidence, ils cherchent la facilité et omettent, de manière volontaire, que la performance est à chercher ailleurs.
Les Pro-réduction de la pression fiscale comptent sur son effet d’entrainement sur l’investissement. Théoriquement, agir sur l’impôt donnera un coup de fouet à l’investissement et par ricochet stimulera l’emploi, la consommation et la croissance économique sera de retour. Mais tout ça n’est que hypothétique.
La décision d’investissement est une équation à plusieurs variables associées à des coefficients de pondération d’importance différentes. Reposer sur la seule variable fiscale pour ressusciter le plein emploi relève de la folie.
Légitimité de l’impôt
Le non consentement à l’impôt trouve son origine dans plusieurs facteurs. Nul ne peut ignorer que l’impôt constitue un prélèvement obligatoire payé par solidarité et sans s’attendre à une contrepartie conséquente. Mais Homo-oeconomicus qu’est l’opérateur économique, ce dernier opère un arbitrage entre la contribution et la rétribution. Exiger un impôt sur les sociétés de l’ordre de 30% du résultat fiscal, qui est dans plusieurs cas supérieur au résultat comptable, est interprété comme si l’Etat est actionnaire dans ces projets à due concurrence voire plus. Seulement est ce que l’apport de l’Etat est de cette hauteur. Chacun, dans son coin, évalue à sa guise et procède aux régularisations qui lui paraissent légitimes. L’Etat doit mériter son Impôt pour pouvoir le réclamer haut et fort.
Il est vrai que le régime fiscal marocain regorge d’incitations qualifiées de dépenses fiscales. Ces dernières sont permises et autorisées par le législateur. Mais certains opérateurs se permettent indûment des avantages par le biais de l’évasion et la fraude fiscales. Les prises de risques sont parfois démesurées. Il s’agit en fait d’un sport national mieux encore pratiqué par les grands plus que les petits. Les dernières sorties des sociétés cotées à la bourse de Casablanca en sont la preuve. L’Etat doit sécuriser et protéger ses ressources et permettre aux seuls ayants droits de jouir paisiblement et sereinement des avantages fiscaux. Le bénéfice de ces avantages doit être conditionné non seulement par l’injection de fonds dans un secteur ou activité bien définie mais également par la réalisation d’objectifs à arrêter. Il peut s’agir de l’emploi de personnes à mobilité réduite, des ex-détenus, du développement de la recherche , de la participation dans l’effort de l’éducation et la lutte contre l’analphabétisme….pour y parvenir l’Etat doit mettre les petits plats dans les grands. ceux qui croient que la tache est facile doivent mettre les mains dans les cambouis.
La fiscalité est un souci des intellectuels
Les intellectuels de la chose fiscale appellent au civisme du citoyen : ménages et entreprises pour les pousser à la contribution et arrêter à plumer l’Etat. Seulement personne ne s’attarde sur la recette. L’examen de l’inventaire des recommandations ne fait apparaître aucune disposition dans ce sens. Pour commencer, il est temps de défiscaliser la culture et d’en prévoir un régime fiscal stimulant. Les mutations profondes des nations sont à mettre à l’actif des changements culturels. La fiscalité n’est pas seulement un guichet automatique, mais un levier de la politique économique et sociale.
La fiscalité ne doit pas être l’œuvre d’un bouquet d’opérateurs ou d’une brochette de fiscalistes mais une affaire nationale.
L’organisation des assises de la fiscalité et une action louable seulement quelle est la valeur juridique de ses recommandation. Celles-ci n’engagent que l’armada qui sera réunie les 3 et 4 Mai 2019. Une entité constitutionnelle doit s’approprier l’événement pour donner un caractère obligatoire à ses décisions.
Apres les Assises, une campagne de sensibilisation doit être organisée pour en étayer le contenu, l’étaler sur la scène publique et le banaliser pour avoir l’adhésion du public. En outre, lorsque chacune de ces recommandations est insérée dans une Loi de finances, il est capital de faire référence aux assises pour éviter tout amalgame.
Il est temps de se lever pour travailler et assez d’assises.
Houssifi Elhoussaine : Expert-comptable DPLE et commissaire aux comptes