En l’absence de référentiels de prix, à défaut d’informations transparentes fiables et réelles sur la donnée « prix du marché », de la volatilité inter temporelle et spatiale des prix… il ne pourrait être que difficile voire pernicieux d’aboutir à une estimation correcte des marchés publics.
A l’occasion de chaque publication de rapport de la Cour des comptes, il en ressort entre autres constats, ceux relatifs à la surestimation de certains marchés, à telle enseigne qu’ils suscitent des remous auprès de l’opinion publique.
Aujourd’hui, dans un souci d’optimisation et de rationalisation de la dépense publique, il est impératif de revoir l’estimation des marchés, objet d’appel d’offres, qui obéissent à des critères qui donnent matière à réflexion dans la mesure où ils ouvrent la voie à l’exagération en matière de prix.
En effet, avant le lancement d’un marché, l’Ordonnateur est tenu de déterminer aussi exactement que possible les besoins à satisfaire et la consistance des prestations. Plus précisément, l’article 5 du décret sur les marchés publics stipule que l’estimation soit établie sur la base des prix pratiqués sur le marché en tenant compte de toutes les considérations et sujétions concernant notamment les conditions et le délai d’exécution. Bien qu’elle constitue l’épine dorsale de tout marché public, l’estimation n’a été mentionnée nulle part dans le Cahier des Clauses Administratives Générales CCAG-T afin d’expliquer ses tenants et aboutissants.
Toutefois, en l’absence de référentiels de prix, à défaut d’informations transparentes fiables et réelles sur la donnée : Prix du marché, de la volatilité inter temporelle et spatiale des prix, il ne pourrait être que difficile voire pernicieux d’aboutir à une estimation correcte. Ce qui risque de se traduire par des fixations subjectives des prix du marché.
Le risque associé à l’estimation est important lorsque nous apprenons que l’estimation proposée par le maître d’ouvrage n’est n’est soumise à aucun moment de la procédure de l’attribution du marché à un contrôle, audit ou appréciation pour s’assurer de sa réalité, véracité et de son exhaustivité. En outre, la réglementation sur les marchés publics qui oblige l’ordonnateur à sauvegarder tous les documents supportant l’attribution des marchés n’a pas chargé le maître d’ouvrage de sauvegarder les éléments sou jacents à l’estimation du marché.
Ce qui dépouille l’estimation de la traçabilité nécessaire en matière de contrôle et, par ricochet, brouille les pistes d’audit.
Autre aspect et pas des moindres qui contribue au renchérissement du coût du marché réside dans la divulgation, comme le veut le nouveau décret, de l’estimation dite administrative. Cette divulgation dissuade les concurrents de tout effort de fixation de prix compétitifs dans la mesure où ils font des propositions tangentes à l’estimation de l’ordonnateur sans pour autant faire des offres financières basses qui peuvent, dans certains cas, leur coûter l’éviction.
« Dans le souci d’optimiser le coût des marchés publics et dans l’impératif de protéger le patrimoine de l’Etat, il est vital d’instaurer une révision de la méthode d’estimation en abandonnant celle se référant au marché et adopter une autre à même de répondre aux exigences d’audit, de vérification et de calcul », annonce un spécialiste des marchés publics. Et d’ajouter: « Afin de lever toute confusion sur cette méthode d’évaluation, éviter tous les traitements arbitraires et subjectifs, le CCAG-T doit réserver une place de choix à cette donnée pour en expliciter le cadre aussi bien juridique, procédural… Il est également temps de rompre avec le climat de méfiance dans les organes de l’Administration publique qui était à l’origine de l’instauration de la divulgation de l’estimation administrative ». Et pourquoi pas ordonner une étude d’impact de la réglementation des marchés publics qui s’avère de prime abord loin de toute efficacité notamment en matière de coûts. Apparemment, la transparence coûte cher à l’économie.
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