La mise en œuvre du Plan Maroc vert qui couvre la période 2008-2020 a enclenché une véritable dynamique du secteur agricole marocain qui pèse actuellement pour près de 12 % du PIB et pour 38% de la population active occupée.
Le recentrage de la croissance autour des filières compétitives (Pilier I) tout en prévoyant un accompagnement solidaire (pilier II) a ainsi enclenché un processus vertueux de transformation structurelle avec à la clé des performances positives.
L’arrivée à échéance du PMV en 2020 pose avec acuité les défis auxquels le secteur est confronté. Et c’est dans le sens de contribuer à la réflexion en cours au sujet de la conception d’une nouvelle vision agricole, la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF) a mené une étude approfondie sur le secteur agricole.
L’importance de cette étude, qui dresse les performances réalisées et défis structurels qui se posent encore, est qu’elle identifie les leviers stratégiques pour consolider les bases d’une agriculture performante, durable et inclusive.
L’étude menée par Aziz Louali, identifie comme premier levier l’intégration de la filière agroindustrielle et la diversification des marchés à l’export, qui demeure limitée selon l’étude de la DEPF.
Selon l’auteur de l’étude, dans le but d’élargir les perspectives de développement du secteur agricole marocain, l’accent devrait être mis sur la résorption du déficit en termes de valorisation de la production agricole, faute d’une intégration industrielle conséquente de ce secteur, et sur la diversification des débouchés extérieurs pour tirer profit de la dynamique de la demande mondiale pour les produits agroalimentaires. Pour favoriser une meilleure valorisation de la production agricole, Aziz Louali estime qu’il serait primordial de veiller à la mise en œuvre des dispositions du contrat-programme du secteur agroalimentaire signé en 2017 et d’accélérer l’opérationnalisation des agropoles en tant que véritables vecteurs d’intégration de la chaîne de valeur agroalimentaire.
La redynamisation de l’agrégation agricole, notamment dans son volet contractuel est également de mise, en œuvrant activement en faveur d’une meilleure adéquation entre l’offre agricole et la demande agroindustrielle.
Aussi, dans le but de maximiser les retombées de l’intégration en aval de la chaîne de valeur agroalimentaire, la priorité devrait-elle être attribuée aux filières à fort potentiel à l’instar de la filière oléicole, handicapée par son tissu de transformation largement traditionnel et informel, privant le Maroc d’importantes opportunités à l’export qui pourraient le hisser au rang de leader mondial, révèle l’étude.
Concernant le renforcement de la compétitivité des exportations agroalimentaires marocaines, une attention particulière devrait être accordée à l’édification d’un réseau de plateformes d’exportations intégrées et multi-filières ciblant autant les marchés traditionnels de l’Europe et de l’Amérique du Nord que certains marchés émergents à fort potentiel dont notamment ceux de l’Afrique et de la Russie.
L’auteur de l’étude estime que le relèvement du défi de la compétitivité rendrait nécessaire de procéder à l’activation de l’agrégation autour des grands opérateurs agroindustriels aptes à relever les pressions concurrentielles qui caractérisent ce secteur et d’accélérer la mise en œuvre de la réforme des marchés de gros et des abattoirs.
Le deuxième levier identifié par l’étude de la DEPF réside dans le renforcement des capacités de résilience et d’adaptation de l’agriculture marocaine aux effets du changement climatique.
Dans ce sillage, la question de l’eau figure au centre des préoccupations des politiques publiques en matière de lutte contre le changement climatique. « Cette question revêt une importance encore plus déterminante au niveau du secteur agricole. A cet effet, plusieurs dimensions de la politique de l’eau et de l’irrigation au Maroc mériteraient d’être revues et réajustées. Outre le recours systématique aux techniques économes en eau et la mobilisation des eaux non conventionnelles, une attention particulière devrait être accordée à l’adaptation de la politique de tarification de l’eau d’irrigation en vue de refléter la rareté de l’eau et le coût réel de sa mobilisation », note l’étude.
Le recours aux nouvelles technologies a une valeur ajoutée certaine à apporter à ce niveau pour apporter une réponse à temps et précise aux besoins en eau des cultures.
Aussi, l’étude revient-elle sur la vulnérabilité de la production agricole à cause de la filière céréalière. « Dans le but d’infléchir positivement cette situation désavantageuse, il s’avère nécessaire d’accélérer la réforme de cette filière à travers la reconversion des céréales dans les zones défavorables vers des productions plus résilientes à la sécheresse (olivier, amandier…) », préconise l’étude. Et de proposer une territorialisation de la politique céréalière à travers l’orientation de l’incitation publique à la production céréalière vers les zones agro-climatiques favorables.
Dans le même ordre d’idée, l’étude rappelle le recours massif à l’utilisation du gaz butane avec tous les effets pervers aussi bien sur la compensation.
Dans ce sens, l’utilisation des énergies renouvelables doit être renforcée, notamment à travers la promotion et l’extension de l’usage des techniques de l’énergie solaire dans le pompage de l’eau.
Le troisième levier identifié par l’étude de la DEPF concerne l’optimisation du soutien public dans sa dimension budgétaire et fiscale au même titre que l’insertion de la politique agricole dans le cadre d’une stratégie de développement rural intégré.
Sur la première question, l’étude souligne que la maximisation des retombées de l’action des pouvoirs publics en faveur du développement du secteur agricole ne peut occulter l’impératif d’assurer un déploiement efficient du soutien public en faveur de ce secteur. « A ce titre, le soutien public devrait cibler en priorité le renforcement de la modernisation et de la compétitivité des petites et moyennes exploitations agricoles. En outre, les subventions aux facteurs de production agricole gagneraient à être indexées sur une approche territorialisée pour tenir compte des vocations agro-climatiques de chaque région », propose l’étude.
Par ailleurs, le système de soutien public devrait être assujetti à des mécanismes rigoureux de suivi et d’évaluation pour en apprécier l’efficience et l’efficacité et permettre, par ricochet, d’opérer en permanence les ajustements qui s’imposent.
Concernant la fiscalité agricole, l’auteur de l’étude estime qu’elle pourrait constituer un levier pertinent pour renforcer les marges de manœuvre budgétaires des pouvoirs publics et soutenir l’effort public en faveur des investissements dans le secteur agricole. Les recettes dégagées pourraient servir de force d’impulsion aux retombées positives sur l’environnement économique et social en milieu rural (infrastructure socio-économique, financement des activités connexes à l’agriculture…).
Mais tous ces efforts ne sauraient aboutir que grâce à une approche de développement intégré du monde rural. « Cette approche passe, de toute évidence, à travers une plus grande convergence des politiques publiques (infrastructure de transport, agro-industrie, éducation, santé…) pour élargir les bases de création de la richesse et des emplois, seuls à même de constituer un rempart contre la pauvreté et la précarité qui alimentent l’exode rural. Cette orientation s’inscrit parfaitement dans le cadre de la vision Royale portant sur l’émergence d’une classe moyenne en milieu rural à travers une meilleure intégration des jeunes dans le processus de développement agricole », estime-t-on.
Dans la même perspective, la vocation inclusive de l’agriculture marocaine devrait être renforcée à travers la poursuite des actions structurantes engagées dans le cadre du Pilier II du PMV visant à améliorer et à sécuriser les revenus des petits agriculteurs. Il importe, aussi, de renforcer les mécanismes garantissant un cadre de travail décent dans le domaine agricole et ce, à travers l’adaptation et la veille au respect de la réglementation relative au système de rémunération, à la sécurisation de l’emploi et aux normes de sécurité du travail, conclut l’étude.