Le décollage économique tant espéré des années durant peut-il se concrétiser avec un plan de relance de surcroit post-pandémie ? Les dysfonctionnements de notre économie ne s’étant pas évaporés par enchantement. Une croissance est-elle encore possible avec une classe moyenne qui s’effrite ? Qui de la poule ou de l’œuf en premier : une stratégie de relance ou un nouveau modèle de développement ?
La stratégie d’une relance économique globale est actuellement en phase finale de préparation pour permettre à l’économie nationale, tous secteurs confondus, de palier aux effets néfastes de la pandémie du Covid-19.
La crise sanitaire qui s’étale depuis trois mois a rouillé la machine économique à l’exception de quelques secteurs, à telle enseigne que des secteurs primordiaux pour la survie économique, puisque pourvoyeurs de forte valeur ajoutée et de devises, sont paralysés sous l’effet de la conjoncture mondiale.
Il s’agit en l’occurrence des métiers mondiaux du Maroc, du tourisme… avec des pertes chiffrées en point de PIB que le ministre de l’Economie et des Finances a dévoilées récemment devant le Parlement.
Nous sommes face à une démarche qui est pratiquement la même au lendemain de la crise économique de 2008.
Sauf que cette fois-ci l’onde de choc est nettement plus importante et intervient à un tournant dans la vie du pays marqué par le vaste chantier de réforme du modèle essoufflé de développement marocain.
A se demander si malgré la pertinence des leviers qui seront actionnés dans le cadre de cette stratégie de relance, ne seront-ils voués à l’échec ou au mieux leur effet sera limité sous le prisme du modèle actuel ? Et si ce plan de relance ne risque-t-il de creuser davantage les inégalités ?
Les mêmes causes produisent les mêmes effets et la pandémie ne risque pas de rompre le principe de causalité en sens que les liens de causalité entre certains dysfonctionnements que le Maroc ne réussit pas à régler et les maigres performances économiques du pays sont évidents.
Qu’on parle de take-off, d’émergence, d’accélération ou encore là de relance, des années durant les effets des différentes stratégies étaient très limités que le pays peine à atteindre l’émergence économique tant convoitée.
Et les goulots d’étranglements ne manquent pas. Pour une économie de marché qu’on aime à le qualifier, le Maroc ne garantit pas les mêmes égalités des règles, des chances et d’accès aux marchés entre différentes entreprises. Concurrence déloyale, corruption… sont autant de facteurs handicapants d’une véritable relance d’autant plus que les autorités créées dans l’espoir d’y remédier n’ont encore rien changé à la donne plus d’une décennie après leur création.
On peut se complaire du classement Doing Business mais ça serait faire la politique d’autruche. La réalité a la peau dure et ce malgré toutes les avancées enregistrées et les réformes enclenchées.
Résultat des courses, une croissance timide alors que prétendre à l’émergence implique une croissance de plus de 7 points sur une longue durée ainsi qu’une bonne gouvernance à tous les niveaux.
Autre facteur handicapant à cette ambition est qu’une forte croissance est tributaire du développement d’une classe moyenne forte. Et là, la pandémie n’aide en rien si l’on s’attarde sur les conséquences aussi bien économiques et sociales quantifiées aussi bien par le HCP que par le Comité de veille économique lorsqu’il dévoile le nombre d’inscrits pour bénéficier de l’indemnité forfaitaire.
Pis, ce libéralisme affiché et assumé a plus usé qu’aidé cette classe moyenne en s’attaquant à des secteurs sociaux que sont l’éducation et la santé. Or, nulle croissance n’est possible sans un capital humain fort, compétitif et productif, une éducation de qualité égalitaire et un accès équitable aux soins de santé.
Cette question de compétitivité renvoie à un tout autre boulet, celui des ALE.
Pour reprendre la citation du défunt économiste marocain Driss Benali « S’ouvrir pour le Maroc c’est souffrir » et qui défendait l’idée est l’ouverture tous azimuts est une erreur en raison des faibles compétitivité et productivité du Maroc. Les autorités en ont bien pris conscience mais le temps de revoir cette cinquantaine d’ALE, le pays subira l’effet de cannibalisme qui s’enclenchera sur le marché mondial post-Covid : chaque pays essayera de grignoter ce qu’il peut chez les autres. Et nous dans tout ça ? A part les masques en tissu, quelles seront nos armes sur la chaîne mondiale post-Covid ?
Relance et modèle de développement devront aller de pair
Comme souligné dans un précédent article, les horizons de la stratégie de relance et du modèle de développement sont totalement différents. Pour autant, et au point où on en est, les deux chantiers portent dans leurs ADN la même information génétique et tendent vers un même objectif.
Une stratégie de relance tend vers une plus forte croissance, laquelle ne saurait se faire sans bonne gouvernance, le développement d’une classe moyenne forte, une forte cohésion sociale… autant d’éléments qui devraient constituer les piliers phares du nouveau modèle de développement.
L’autre élément qui plaide en la faveur de la création d’un vaisseau communicant est le hasard du calendrier puisque les deux drafts devraient tomber pratiquement à quelques jours voire semaines d’intervalle.
Le troisième point en commun est l’urgence : l’urgence d’une relance pour éviter une asphyxie économique et financière mais également l’urgence de jeter les jalons du nouveau modèle de développement économique trois ans après que la question fût soulevée par le Souverain dans son discours au Parlement en octobre 2017.
Marcel Proust disait « Il n’y a pas de Réussite facile ni d’échecs définitifs » et au point où nous en sommes il n’y a pas mieux que de transformer ces difficultés que nous imposent la pandémie en opportunité de transformation à 180 degrés… au lieu de continuer sur cette voie cyclique et monotone de top et down dans laquelle on vit depuis des années.
Les chemins de la relance et du modèle de développement finiront un jour par se croiser, alors pourquoi ne pas économiser en temps et en énergie en provoquant cette rencontre et voir les actions en faveur d’une relance sur bon pied ?