Les transferts des MRE, contrairement à ce qui était attendu, se sont bien comportés au cours de cette conjoncture de crise sanitaire. On parle même d’un saut spectaculaire qui a défié tous les pronostics. Les dessous de cette hausse dans un contexte des plus hostiles.
Que l’on opte pour une approche conjoncturelle infraannuelle à une analyse annuelle sur longue période, tous les indicateurs statistiques retenus illustrent cette croissance exceptionnelle des transferts en 2021.
Les dernières statistiques émanant de l’office des Changes arrêtées à fin août 2021 font état d’un cumul de transferts d’environ 64 Mds de DH contre 44 Mds de DH en hausse de 46%.
« Ces 64 Mds de DH reçus au titre de ces premiers mois de cette année représentent déjà 94% du volume total des transferts correspondant à toute l’année 2020. Cette envolée tranche avec l’évolution caractérisant l’évolution des autres indicateurs des échanges extérieurs du pays », rappelle le Centre marocain de conjoncture. C’est ainsi que les données au commerce des échanges de biens et services font état, en effet, d’une nette aggravation de 41% du solde la balance commerciale, et ce à la faveur d’une évolution asymétrique à l’avantage des importations (+19,3%) relativement aux exportations (+13,3%) si bien que le taux de couverture n’est plus que de 74,5% en perte de 4,1 points. De son côté, la composante voyages accuse une baisse très prononcée d’environ 52% au terme de cette période sous revue pour un montant d’environ 8Mds de DH contre plus 16,7Mds de DH à fin août 2020.
S’agissant des flux nets des investissements directs étrangers (IDE), ces derniers ne progressent que faiblement pour atteindre 10,7Mds de DH contre 9,8Mds de DH à fin août 2020.
Dans une optique annuelle couvrant la période 2011- 2021, l’analyse des données retraçant l’évolution des envois des MRE fonde plusieurs observations. D’une part, ces envois sont sur un trend haussier et régulier avec une progression annuelle moyenne de 4,6% correspondant à un niveau de plus de 87Mds de DH en décembre 2021 contre 58,4 Mds de DH onze ans plus tôt. D’autre part, ces transferts ont d’importantes retombées sur l’économie nationale. En ce sens que cette manne financière joue un rôle appréciable dans la résorption du déficit de la balance commerciale sur biens et services qui accuse une aggravation annuelle d’environ 3% pour approcher les 92 Mds de DH en 2021 contre plus 115 Mds de DH en 2011.
« A souligner, cependant, que le déficit commercial moindre enregistré sur la période sous revue est à interpréter à l’aune de la pandémie qui a fortement contrarié les flux des échanges des biens et services », rappelle le CMC. Car si le commerce des biens a beaucoup souffert de ce tsunami viral, celui des services des voyages était purement et simplement à l’arrêt. Les nombreuses restrictions imposées par les différents gouvernements pour lutter contre la propagation du virus ont entrainé une forte contraction du tourisme international.
Quid des facteurs explicatifs ?
Mais au-delà de ces éléments factuels et les retombées positives des transferts des MRE sur l’économie nationale, se pose la question de connaître les facteurs explicatifs de leur hausse spectaculaire en cette période de lente sortie de la pandémie. Pour les organismes officiels aussi bien nationaux qu’internationaux, cette hausse exceptionnelle dans les transferts des fonds des migrants s’expliquerait par le contexte spécifique de la pandémie dans les pays développés. C’est que les plans de soutien budgétaire massifs dans les économies européennes destinés à soutenir les agents économiques- notamment les ménages- ont permis à ces derniers de bénéficier des fonds publics importants.
Ainsi, s’agissant du Maroc en particulier, il est à noter qu’en 2020, l’essentiel de ces fonds proviennent de l’Union Européenne où trois pays (France : 35%, Espagne : 9% et Italie : 9%) sont à l’origine de plus 55% de ces envois de fonds. Par ailleurs, les interdictions de voyages consécutivement aux frontières ont stimulé la généralisation des transactions par voie numérique plutôt qu’en liquide et le recours accru aux canaux formels du système financier.