L’Office des changes, en publiant la circulaire portant des mesures de libéralisation et d’assouplissement des opérations de change réalisées par les personnes physiques résidentes au Maroc, n’a ni expliqué le pourquoi ni clarifié l’enjeu de telles mesures.
Communiquez SVP !
Alors que l’année 2019 touche à sa fin, l’Office qui donne sur la célèbre place Piétri, a mis en ligne, pratiquement nuitamment, des documents devant régir les pratiques associées au change durant les années à venir. Les responsables de l’Office ont dû donner un coup de collier pour assurer l’émission dans les délais impartis de tels supports. Un tel événement mérite une large médiatisation dans le cadre d’une conférence pour débattre des tenants et aboutissants des décisions rendues publiques. L’Office très réservé, qui continue d’ailleurs à être encadré par des textes de l’ère coloniale, doit prendre le train de la modernité par le biais au moins de la communication. Dans ce cadre l’Office des changes doit s’aligner sur d’autres instances telles que Bank Al Maghrib qui ont donné le la.
Ce débat est fort important dans la mesure où plusieurs opérateurs veulent comprendre le pourquoi de certaines décisions et s’intéressent moins au comment de les mettre en application.
Le changement rapide
Parmi ces mesures, on note celle afférente à la dotation touristique et celle associée à la dotation e-commerce. Ainsi, il a été décidé de relever la partie variable de la dotation touristique à 25% de l’impôt sur le revenu payé ou prélevé à la source au cours de l’année précédente. Cette majoration étant plafonnée à 200.000,00 dirhams. Force est de rappeler que le procédé de la majoration indexée à l’impôt sur le revenu est entré en vigueur au début de l’année 2019. Il est donc légitime de se demander sur les raisons d’une telle révision rapide. Cette mise à jour rapide nous pousse donc à s’interroger sur la solidité des modèles retenus pour la simulation, l’objectivité des paramètres retenus et sur l’horizon des projections. Cette mesure conçue pour améliorer la recette fiscale en matière d’impôts sur le revenu provenant notamment des non-salariés n’a pas, apparemment, eu l’effet escompté. Les contribuables ciblés n’ont donc pas mordu à l’hameçon. En effet, les dépenses voyages n’ont augmenté, jusqu’au terme du mois de novembre 2019, que de 11,60% en se fixant à 19.386 MDH contre 17.378 MDH à fin novembre 2018. Disposant d’une plateforme qui gère la partie variable de la dotation touristique, l’Office des changes est donc invité à communiquer sur la pollution qui a transité par ladite plateforme ainsi que sur le montant de la dotation variable générée par cette mesure.
Quel intérêt !
Les experts de l’Office des changes sont également attendus sur un autre chapitre lié à l’impact économique de cette mesure sur les différents agrégats nationaux. En effet, comment convaincre l’opinion publique de l’intérêt d’une telle mesure alors que Bank-Al Maghrib ne cesse, dans ses conférences tenez-vous trimestrielles, de tirer la sonnette d’alarme au sujet des réserves nettes de change. En effet, celles-ci sont passées de 259.868 MDH à la fin de l’année 2016 à 239.570 MDH à la fin du mois de novembre 2019.
Nous sommes également en mesure de se demander sur les raisons de cet acharnement sur cette rubrique de la balance des paiements qui l’honore avec son solde positif et ce d’une manière continue. En effet, les dépenses –voyages sont passées de 12.225,9 MDH en 2014 à 18.857,8 MDH en 2018, soit une augmentation de l’ordre de 54,24%. La rubrique voyages a vu son solde stagner entre 2017 et 2018 et ce en raison de l’évolution plus proportionnelle des dépenses voyages par rapport aux recettes. En raison du plafonnement des recettes touristiques, le relèvement de la dotation touristique impactera, sans aucun doute, négativement le solde du compte des transactions courantes.
Comment convaincre de l’intérêt d’une telle mesure lorsque notre production nationale ne génère pas assez de richesses en devises. En effet, le taux de couverture des importations par les exportations n’est pas prêt à quitter le taux de 57%. Les pouvoirs publics sont donc amenés à puiser dans les autres sources pour s’approvisionner en devises pour éviter la cessation de paiement.
Comment convaincre de l’intérêt d’une telle mesure alors que le Maroc doit faire appel de manière quasi-continue à la dette extérieure pour alimenter ses réserves en devises. La dernière sortie remonte à novembre dernier et s’est soldé par l’aggravation de la dette extérieure d’un montant de 1MM €.
E-commerce c’est aussi du tourisme
La deuxième mesure, publiée dans la nuit du 31 décembre écoulé, porte sur le relèvement de la dotation e-commerce à 15.000 dirhams au lieu de 10.000,00 dirhams. Sachant qu’une partie considérable de cette dotation est affectée aux paiements relatifs aux voyages (hôtels, transports, restauration), l’Office est tenu de se rapprocher du GBPM et des opérateurs de la monétique pour entreprendre la catégorisation des dépenses. Une telle action permettra de corriger à la hausse des dépenses de voyages et de porter un coup dur au solde de la rubrique voyage dans la balance des paiements.
Enfin, je ne vous rappellerai pas le montant de la dotation touristique ni en Algérie ni en Tunisie, connaissant vos répliques, mais je me vois dans l’obligation de vous rappeler un passage de la chanson : Ces gens–là de jacques Brel : « Faut pas jouer les riches Quand on n’a pas le sou Faut vous dire, Monsieur… »