Interviewé par Soubha Es-Siari |
Depuis plusieurs années, la gouvernance des finances publiques se pose avec acuité. Et pour cause, la rareté des ressources financières face aux multiples défis économiques et sociaux qui ne cessent de s’amplifier avec la multiplicité et la récurrence des crises et des soubresauts sévères.
La complexité et l’incertitude du contexte macroéconomique rend difficile la prise de décisions aussi bien pour les responsables politiques que pour le simple citoyen qui ne sait plus quand va débuter une crise, ni combien de temps elle va durer, ni prévoir ses impacts multiformes.
C’est dans ce cadre qu’intervient la 15e édition du Colloque international des finances publiques organisé par le Ministère de l’Economie et des Finances précisément par la TGR et Fondafip. La thématique choisie pour cette année est quelle gouvernance des finances publiques dans un monde multi-crises ?
Il faut dire que ces dernières années ont été marquées par de sérieuses crises et des soubresauts sévères qui ont mis sous pression les finances publiques et leur modèle de gouvernance. Les agrégats macro-économiques ont été terriblement affectés à telle enseigne que l’on se demandait si les pouvoirs publics parviendraient à honorer leurs engagements aussi bien économiques que sociaux tels qu’ils sont fixés dans les lois de finances.
Justement pour répondre à ces besoins, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures que ce soit en matière d’investissement, de rationalisation des dépenses, de substitution aux importations, réforme du secteur public…
Bien que ces crises soient un moment difficile pour les économies, elles sont également une occasion pour prendre des décisions optimales et durables. C’est d’ailleurs l’enjeu de la rencontre qui réunit une pléiade d’experts, d’économistes, de juristes et de hauts responsables.
« Il est important de préciser que la survenance des crises du 21 e siècle se caractérise par leur simultanéité et le fait qu’elles se produisent dans un monde globalisé plus vulnérable, où les hommes sont plus interconnectés, plus interdépendants et où l’information circule instantanément notamment via les réseaux sociaux » , tient à préciser à juste titre le trésorier général du Royaume.
Elle va même jusqu’à remettre en cause les différentes théories économiques des siècles précédents : le keynésianisme, le libéralisme… jusqu’à l’exigence d’un Etat providence.
Le trésorier général du Royaume a rappelé par ailleurs l’interventionnisme étatique aussi bien lors de la crise sanitaire que celle ukrainienne pour limiter les conséquences économiques, sociales des crises et relancer la machine économique.
Toutefois, cet interventionnisme à outrance s’est traduit par un creusement du déficit et un accroissement sans précédent de la dette.
Trouver des solutions durables aux crises et risques actuels et remettre l’économie et les finances publiques sur des trajectoires de croissance et de viabilité requiert le renouvellement des concepts économiques, du cadre législatif et réglementaire et des outils et instruments, tenant compte des réalité du 21e siècle. Le modèle de gouvernance actuel est de ce fait appelé à s’adapter aux nouvelles réalités.
Sur un autre registre, le trésorier général du Royaume explique que la programmation pluriannuelle, l’évaluation en dynamique et l’intégration de l’intelligence artificielle doivent, bien entendu, être combinées avec une meilleure convergence des politiques publiques et une coordination optimisée des acteurs et des décideurs en charge de la réalisation des différents programmes et projets politiques.
En définitive, il est demandé à l’Etat d’adapter ses missions aux nouvelles réalités économiques et sociales.
Autrement dit, l’Etat ne doit pas abandonner sa place centrale dans le développement, ce sont ses modes d’intervention et ses formes d’actions qui doivent être repensés au regard des expériences historiques et des défis du monde contemporain.
Selon Noureddine Bensouda, pour accomplir ses missions et atteindre les résultats escomptés des politiques publiques, l’Etat doit s’appuyer, pour les besoins de pilotage sur ses actions, sur ses institutions, des lois et des règles formelles.
Il reste tout de même confiant que les moments de crises ne sont pas uniquement des chemins semés d’embûches mais représentent également des opportunités pour réformer les finances publiques, les assainir et reconstituer des marges de manœuvre.
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